A première vue, Expo 58 est un Jonathan Coe mineur, un divertissement de bon aloi qui surfe sur la mode vintage, et qui ne prête pas à conséquences. Un vrai faux roman d'espionnage qui a des allures de parodie avec un héros manipulé et naïf à mille lieux de James Bond. Mais à y regarder de plus près, le livre contient bien d'autres éléments et sa construction linéaire, aussi simple semble t-elle, recèle tout un tas de sous-niveaux qui en font une étude sociologique aussi savoureuse que pertinente. Une radiographie de l'Angleterre de l'époque, évidemment, mais aussi une vision succulente de l'état d'un monde en pleine guerre froide et qui voit des espions partout. Le lieu central, cette exposition universelle de Bruxelles, est aussi bien cathartique que divergente et privilégiée et Coe ne se prive pas d'étudier avec un caractère d'entomologiste les spécimens -belges, anglais, russes, américains- qu'il analyse avec délectation. Mais c'est dans la sphère intime que le romancier touche une fois encore au plus juste. La dernière partie du livre sert de révélateur. Les errances sentimentales de son héros impliquent, au bout du compte, un choix de vie qui s'avèrera insatisfaisant. Le temps passé à l'Expo 58 était plus qu'une une parenthèse enchantée et se transformera a posteriori comme le constat d'une existence ratée faute d'avoir faire montre de courage et de lucidité au moment opportun. Fondamentalement, le roman de Coe est un livre sur l'échec et ses dernières pages, incroyablement poignantes, éclairent d'un autre jour un ouvrage qu'on avait pris, à tort, pour une oeuvre légère et insouciante.