Meurtres, violence et corruption, le règne mondial de la cocaïne
Avec « Extra-Pure, Voyage dans l’économie de la cocaïne », Roberto Saviano poursuit son obsession envers le crime organisé en nous invitant dans les secrets d’un des business les plus florissants de la planète, celui de la cocaïne.
Extra-Pure adopte la même forme atypique que Gomorra, mélange de reportage, de récit intime et de puissance romanesque.
Le trafic de cocaïne c’est un moyen original de faire un merveilleux tour du monde du crime, du meurtre, de la corruption et du règne de l’argent. De l’Amérique du sud à l’Afrique en passant par la Russie jusqu’en Europe, la coke et l’argent de la coke sont partout.
Toutes les facettes du trafic de poudre blanche sont présentées dans le livre. Son histoire, la prise de pouvoir des distributeurs sur les producteurs, les solutions industrielles et commerciales innovantes, les réseaux de distribution, l’imagination sans fin des trafiquants pour convoyer la précieuse poudre à travers les frontières et surtout les héros en négatif de ce récit, les narcotrafiquants. Objet de la fascination morbide de l’auteur, ils sont le principal sujet du livre, Leur vie, leur vision, leur surnom, leur style de vie, la galerie des narco est complète et semble sans fin. On pourrait alimenter une armée de scénariste et écrivains en panne d’idée.
Mais « Extra-Pure » c’est aussi un récit intimiste, Saviano nous faisant part régulièrement de ses états d’âme sur sa propre histoire, ses regrets, ses espoirs mais surtout son désespoir.
Car le bilan du livre est sans appel : la guerre à la cocaïne est un échec pour les différents gouvernements de la planète : il y’a de plus en plus de cocaïne qui est produite, échangée , consommée. Son tarif a été divisé par dix en 15 ans. Partout la coke apporte avec elle ses fléaux habituels : ultra-violence, meurtre, férocité, corruption, règne de l’argent roi… Les milliards de dollars de la cocaïne devant bien être blanchis, l’argent de la cocaïne est de plus en plus souvent injecté dans l’économie légale, notamment la finance via des banquiers complaisant (coucou HSBC).
Saviano avance quelques éléments crédible démontrant que l’argent de la cocaïne aurait en partie sauvé la finance mondiale en 2008, par des injections massives d’argent dans des banques en quête de liquidité.
L’ensemble est intéressant mais comme pour Gomorra, le livre manque parfois un peu de ligne directrice et à l’inverse de Gomorra, on ne retrouve pas la fraîcheur et la proximité de l’auteur avec son sujet. On a un ensemble d’informations mais on ne voit pas bien le sens que l’auteur veut leur donner. Enfin si, ce qui fait la trame du livre, ce qui donne un sens à toutes ces informations, c’est Saviano lui-même.
Le crime organisé et dans sa forme la plus aboutit, le trafic de cocaïne c’est l’obsession intime de l’auteur, le combat auquel il a sacrifié sa vie, sa sécurité. Il est le centre de gravité du livre. Mais il reste un peu trop en retrait, sauf vers la fin pour vraiment structurer le livre autour de sa personne, du coup le livre semble parfois un peu décousu.
Malgré ce défaut, « Extra-Pure » est un livre qui nous ouvre les yeux sur le monde et qui change forcement le regard que l’on porte sur celui-ci. Plutôt bien écrit, même si parfois Saviano met un peu trop de pathos, on ne peut qu’en recommander la lecture parce qu’il faut regarder le mal et la réalité du monde dans les yeux.
Un peu moins marquante que Gomorra, le lecture de « Extra-Pure » reste indispensable.