Hygin, l'anti-Ovide

Le siècle d'or d'Auguste a donné deux mythographes de langue latine qui se sont connus et fréquentés: Hygin, l'auteur des Fables, et Ovide, l'auteur des Métamorphoses. Hygin, né en 64 av.JC et mort en 17, la même année qu'Ovide, était un esclave emmené d'Alexandrie à Rome par César, affranchi par l'empereur Auguste qui lui donna son nouveau nom Caius Julius Hyginus et le chargea de la direction de la bibliothèque du Palatin.

Si les thèmes mythologiques peuvent être communs entre Les Fables et les Métamorphoses, le style littéraire d'Hygin est l'exact opposé de celui d'Ovide.

Hygin se reconnaît à son style sec, bref, concis, nerveux. Ovide, à l'opposé, excelle dans un splendide style baroque, débordant de pathos et de descriptions "gore" (cf. le combat des Lapithes et des Centaures ou bien celui de Persée contre Phinée et ses soutiens), incluant de profondes et fines analyses de la psychologie de ses personnages (par exemple Myrrha et Médée).

L'histoire de Persée et Céphée vue par Hygin (Fable LXIV):

Cassiopée plaçait la beauté de sa fille Andromède au-dessus de celle des Néréides; pour cela, Neptune exigea qu'Andromède fille de Céphée fut offerte à un monstre. Alors qu'elle était ainsi offerte, Persée, volant avec les talonnières de Mercure, vint, dit-on, la libérer du danger; comme il voulait l'emmener, Céphée son père, avec Agénor, à qui elle avait été fiancée, projeta en secret de tuer Persée. L'ayant appris, il tourna vers eux la tête de la Gorgone et tous quittèrent leur aspect humain pour être changés en rochers. Persée revint avec Andromède dans sa patrie.

L'histoire de Persée et d'Andromède résumée en quelques lignes par Hygin s'étend chez Ovide du vers 663 au vers 764 du livre IV des Métamorphoses! Voici un passage du début du livre V dans lequel Ovide décrit l'affrontement entre Persée et Phinée, le frère de Céphée:

Tandis que le héros, fils de Danaé, raconte ces prodiges au milieu des Céphènes assemblés, le bruit d'une multitude frémissante remplit l'atrium du palais; ce ne sont point les chants qui accompagnent d'ordinaire les fêtes nuptiales, mais les clameurs qui annoncent les fureurs des combats; au banquet a succédé tout à coup un tumulte semblable à celui qui trouble une mer tranquille, quand la rage des vents déchaînés en hérisse les flots. A la tête de la foule marche Phinée, téméraire auteur de la guerre, brandissant un javelot de frêne à la pointe de bronze: "Me voici, dit-il, me voici, prêt à me venger de celui qui m'a ravi l'épouse qui m'était destinée; ni tes ailes, ni Jupiter, caché sous le forme d'un or trompeur, ne pourront t'arracher des mes mains."... Persée a déjà beaucoup fait; il lui reste plus à faire encore; car tous s'acharnent contre lui seul pour l'écraser; de toutes part il est assailli par des bandes liguées au service d'une cause qui outrage les droits acquis et la foi jurée. Il a de son côté son beau-père, vainement fidèle, sa nouvelle épouse et la mère de son épouse; elles remplissent l'atrium de leurs clameurs lamentables, que couvrent le fracas des armes et les gémissements des mourants; Bellone inonde de sang les pénates qu'elle a déjà souillés et ranime l'ardeur des combattants... Enfin Phinée se repent de cette guerre injuste; mais que pourrait-il faire? Il ne voit que des statues dans des attitudes diverses; il reconnaît ses partisans, appelle chacun d'eux par son nom, implore leur secours et, n'en croyant pas ses yeux, il touche les plus rapprochés; ils étaient de marbre; il détourne son visage... Persée présente la fille de Phorcys du côté où Phinée avait détourné son visage épouvanté. Celui-ci s'efforce encore de porter ailleurs ses regards; son cou s'est raidi; les larmes qui mouillaient ses yeux ont pris la dureté de la pierre; cependant le marbre conserve l'expression de terreur et de supplication répandue sur ses traits, le geste de ses mains qui se soumettent et son attitude humiliée.