Fans de la vie impossible est un roman young-adult qui m’a tout de suite attirée puisqu’il traite un sujet souvent abordé de façon délicate et maladroite (voire carrément erronée) dans la littérature ado/young-adult, j’ai nommé : la dépression. On retrouve dans ce roman trois personnages (Mira, Jeremy et Sebby) en souffrance. Mira, Jeremy et Sebby ne vivent pas la dépression de la même manière, ne souffrent pas pour les mêmes raisons, mais ils sont tous les trois des « abîmés de la vie ». Il n’y a pas à proprement parler « d’histoire » ou « d’intrigue », il s’agit simplement de nous faire vivre leur quotidien, de nous montrer comment leur relation évolue et comment eux-mêmes changent (ou pas d’ailleurs). Tous les trois ont une personnalité très différente : Sebby est un jeune homme très solaire et charismatique, il séduit et charme tout le monde ; Mira est une jeune femme qui souffre d’angoisses et de crises de paniques très très intenses et qui, parfois, n’a tout simplement pas la force d’affronter le monde ou les autres ; et enfin Jeremy qui est un jeune homme timide, mais féru d’art. On va retrouver dans ce roman deux personnages qui après un traumatisme ont beaucoup de mal à remettre les pieds au lycée, et un autre personnage qui lui semble être totalement détaché du monde, presque menant une existence « à côté » du monde. Pourtant, ensemble, ils bravent la vie et sa noirceur, ils s’entourent d’amour et essayent de faire front.
C’est pour moi très compliqué de parler de ce roman, car il évoque un sujet sensible (la dépression) par lequel je ne suis pas directement concernée. Néanmoins, j’ai adoré que ce roman nous présente une vision réelle de la maladie. Rien n’est enjolivé, les personnages ne tirent pas une aura de leur maladie, la dépression ne les rend pas plus intéressants que les autres, ne les rend pas plus fascinants ou plus mystérieux (je me permets de faire cette remarque, puisque bien souvent c’est le cas dans la littérature ado et young-adult : la dépression est comme fantasmée, idéalisée, sublimée). Le fait que l’on n’insiste jamais sur la raison précise du mal-être m’a paru également très intéressant puisqu’on ne fait pas de la maladie une espèce de chose passagère. Les personnages souffrent au début et à la fin du roman. Tout ne se résout pas juste parce qu’ils se sont rencontrés et s’aiment. Ils continuent d’être touchés, seulement c’est peut-être un peu moins douloureux, un peu moins intense. Dans Fans de la vie impossible on découvre des personnages atypiques, dotés d’une vraie profondeur. Ils ne sont – heureusement – jamais réduits à leur maladie.
Les relations entre les trois personnages sont extrêmement fortes et vraiment très belles (du moins, j’ai trouvé). Tout au long du roman, on les voit évoluer les uns avec les autres, on les voit s’aimer, se protéger, et parfois se déchirer. Jamais aucun des personnages n’a la prétention de se présenter comme le « remède » pour les autres, et jamais aucun des personnages ne compare sa peine à celles des autres. Leur relation est pure, simple et belle. Par contre, ce qui m’a un peu dérangée dans ce roman, c’est qu’il a tendance à parfois trop tomber dans le pathos. Certes, les personnages échappent à une vision stéréotypée, mais on retrouve un des travers du roman young-adult (selon moi), à savoir une présence du pathos parfois étouffante. Parfois le roman en fait trop, mais comme cela reste assez ponctuel, ça n’est pas totalement gênant.
Ce qu’il me semble intéressant de souligner, c’est que ce roman est un roman raconté par trois voix différentes : Mira, Sebby, Jeremy. D’habitude, j’ai un peu d’appréhension quand je lis ce genre de roman, parce que je trouve que, bien souvent, les différentes voix du roman se ressemblent, l’écriture est la même pour chaque personnage, ce qui a tendance à l’effet voulu. Dans Fans de la vie impossible, on a bien trois voix différentes, notamment parce que l’énonciation de chacun des personnages est unique : tandis que Mira raconte son histoire à la première personne, celle de Jeremy est présentée à la troisième personne, et Sebby semble quant à lui se parler à lui même, puisque son histoire est assurée à la deuxième personne (ce qui est, je l’avoue, un peu perturbant au début). Quoiqu’il en soit, on a bien cette individualisation des personnages qui permet de les considérer comme des êtres différents, avec leur propre identité et surtout leur propre rapport au monde (je suis assez persuadée que l’énonciation utilisée par chacun des trois personnages représente la manière qu’a le personnage de se placer dans le monde).
Ce n’est clairement pas un livre joyeux, même s’il y a des moments de joie dans le roman, mais c’est un roman vrai, qui parle de la vie comme elle est, qui parle de la dépression sans la fantasmer, qui offre des personnages réels et non pas des clichés. Parfois on a besoin de ce genre de roman, on a besoin d’un ancrage dans le réel, et pas d’un fantasme déconnecté de la vie et de ses réalités.