Critique de Shaynning
Second opus de la série qui a gagné le Prix des Libraires du Québec dans la catégorie BD étrangère, "L'ombre de l'oiseau" est plus sombre et profond, mais prend place dans un monde plus élaboré,...
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le 23 oct. 2022
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J'attendais, depuis quelques temps déjà, la parution de ce livre sur nos tablettes du québec ce livre à la jolie couverture orange, j'en ai même fait une demande de service de presse, qui n'est jamais venue. Ça ne m'a pas empêché de sauter dessus une fois arrivé d'outre-Atlantique et comme je le pressentais, j'ai beaucoup aimé, malgré quelques petits anicroches. Ce roman est le premier de l'auteur, ce qui peut expliquer certains points sur le plan de l'écriture, mais globalement, difficile de ne pas aimer ce trop rare roman qui met en lumière un personnage transgenre. Avec le roman "Birthday" de M.Russo, c'est donc mon deuxième roman sur le sujet. Je précise que l'autrice.eur est trangenre, iel parle donc en connaissance de cause.
Nous suivons Félix Love, 17 ans, né fille, en voie de devenir garçon, mais au en pleins requestionnement identitaire. Élève possédant un certains talent en art, surtout dans les portrait, Félix aspire à entrer dans une prestigieuse école où un cursus double en design lui semble la meilleure option, d'autant plus qu'une bourse est octroyée à un étudiant méritant. Pourtant, bien loin de travailler sur son "book" ( on appel ça un "portfolio" ici au Québec), Félix semble démotivé, veillant aux petites heures du matin, enchainant les joints, les soirées arrosées et les grandes questions existentielles. Il ne quitte pratiquement jamais son meilleur ami Ezra, qui malgré son statut de fils de riches privilégié, a lu aussi des griefs contre ses parents. En effet, le père de Félix a bien du mal avec la transformation physique de son enfant, et sa bonne volonté ponctuée d'erreurs de pronom et de noms semble ne pas être assez pour le jeune homme. Un jour, en entrant dans son école dont il suit un cursus d'été, Félix est confronté a une exposition de photos dont il est le sujet. Des photos agrandies de lui, plus jeune, alors qu'il était une fille. Cet attaque à sa vie privée est accompagnée de textos d'un "troll" anonyme qui s'attaque à son identité de genre. Blessé et humilié, Félix ne songe alors qu'à se venger et met ce exposition et ce troll sur le dos de Declan, ancien petit-ami d'Erza sont il tiens rancune pour son attitude. Il cré un faux compte Instagram dans le but de se rapprocher de lui et trouver un élément susceptible de lui nuire. Néanmoins, ce n'est pas la personne responsable de l'expo et Félix, le premier surpris, réalise qu'en fait, c'est agréable de converser avec Declan. S’ensuit alors une sorte de triangle amoureux entre Erza, Félix et ce dernier. En parallèle, Félix est en pleine quête identitaire, papillonnant entre ses amis, un groupe de soutient LGBTQIA+, son père et sa classe d'art en espérant trouver à la fois des réponses sur son identité et un moyen de surmonter le blocage créatif pour amorcer un portfolio digne d'entrer dans sa prestigieuse école.
Comme je l'expliquais plus haut, le fait de n'avoir pratiquement pas de romans sur le sujet tend à me faire dire que ce roman mérite une plus grande attention. Nous avons peu de romans qui questionne l'identité de genre transgenre, non-binaire et, comme je l'ai découvert ici, l'identité "demiboy", un terme que je connaissais pas du tout. Il en existe déjà plusieurs pour l'homosexualité, mais pour le transgenre, je n'en ai vu que cinq, dont deux sont de la même autrice. Ce roman-ci couvre large sur les identités, en cela, il est assez unique - du moins pour le moment. Je pense que malgré ses petits travers de forme et son côté "américain sensationnel" , ça reste une œuvre notable et utile. En outre, on fait aussi la connaissance du vocabulaire de la communauté, comme le "iel".
Que veux-je dire par "Sensationnel américain"? Je constate une sorte de constante dans les histoires qui nous viennent des auteurs et autrices états-uniens.iennes, et c'est cette manie de faire dans le "gros, grand, wow"! On dirait qu'ils ont du mal avec la notion de "terre-à-terre". C'est souvent plus grand que nature et ça perd en crédibilité. Difficile alors de se projeter complètement quand ça semble si invraisemblable et grandiloquent. Mais bon, c'est peut-être un genre qu'ils se donnent, en harmonie avec leur tendance à faire dans le "rêve américain". Dans le roman, c'est encore cette fin grandiose, cette façon de faire un "happy ending" en apothéose qui me donne surtout cette impression de trop en faire. Aussi, c'est très "dramatique" quand aux relations entre les personnages.
Sur l'écriture, comme certains autres l'ont mentionné, c'est un peu trop "oral", mais ce qui ajoute un peu au problème est cette façon des traducteurs de France de mettre leur jargon de "jeunes" plutôt que d'opter pour des termes plus internationaux. Du coup, ça contraste beaucoup. On coupe beaucoup certains mots en deux, "putain" revient souvent, ça jargonne allègrement. Ce n'est pas illisible, mais ça donne encore l'impression que les jeunes ne savent pas parler, encore une fois. Néanmoins, à d'autres moment, les descriptions des émotions sont jolies, on a pas de difficulté à suivre le ressenti de Félix et c'est tant mieux, parce qu'à mon sens, c'est ce qu'on s’attend à avoir avec une histoire comme la sienne: être capable d'avoir de l'empathie pour lui.
Aussi, il manque des espaces entre les dialogues et les paragraphes et les textos auraient pu être mit dans des bulles de texte, pour plus de clarté. Je note cependant que les textos sont bien écrits et les mots complets, dieu merci.
Côté personnages, j'ai eu un coup de cœur pour Tully, le grand-père de Declan, qui malgré ses deux courtes apparitions, est l'un des personnages les plus adorables du roman et on en souhaiterait des millions des comme lui, de part le monde. Il est ouvert d'esprit, chaleureux et a de meilleurs compétences parentales que bien des gens. Le personnage de Leah est également notable, un super personnage féminin qui a une bonne tête et un grand cœur. Félix , pour sa part, rentre un peu dans le standard de personnages principaux américains: beau ( mais il ne le sait pas), désirable ( mais il ne le sait pas), au centre d'un triangle amoureux ( encore une fois), rempli de talent ( qui ne demande qu'être révélé aux autres) et différent ( mais ça fait de lui un être exceptionnel). Assez typiquement américaine comme formule. Mais il reste attachant, sensible et tout compte fait, on a pas beaucoup de personnages queer à la fois afro-américain et transgenre.
Sur le plan de la psychologie, comme mentionné, on a pas tant de représentants personnages pour cette catégorie de gens et c'est là que ça détonne. Le côté "drama" adolescent USA , on connait, mais l'aspect d’identité de genre, on en a beaucoup moins. J'aime la façon que les autres personnages ont teinté la perception de Félix vis-à-vis de lui-même, mais aussi de l'adolescence en général. Tous les ados se cherchent, c'est une vérité universelle. C'est même ça qui distingue cette période où l'on découvre qu'on est une personne distincte et unique. En cela, Félix n'est donc pas le seul. Ce qui est différent, c'est qu'il cherche très précisément "l'étiquette" de genre qui lui convient. Là, je dois dire que le débat est ouvert: a-t-on vraiment besoin d'avoir des étiquettes? Bref, je dois dire que c'est tout un pan de questions et d'identités de genre que je ne connaissais pas qui se sont matérialisées dans le roman, et pour ça je trouve que ça vaut la peine de le lire. Ce n'est pas simple de concevoir quels sont les questions et les tracas des ados qui ont des identités de genre autre que celles qui sont connues. Bon nombre de débats sont ouverts juste en lisant cette histoire, puisque bon nombre de personnages soulève des questions pertinentes , mais au final sans réponses.
En somme, c'est un bon roman, différend à certains égards, typiquement américains sur d'autres, le tout peuplé de beaux personnages en nuances, sur des thèmes comme la famille, la différence, l'Art visuel, les relations amicales et amoureuses, ainsi que la découverte et l’émancipation de soi. J'aimerais voir ce roman rejoindre les étagères des bibliothèques et servir les professeurs, particulièrement pour servir l'éducation sexuelle et promouvoir la diversité de genre.
Ce roman ne contient pas de contenu sexuel explicite ni violence outrancière, mais il y a certaines violences psychologique ( le harcèlement que vit Félix, par exemple) et sociales ( le rejet parental d'adolescent(e)s queer notamment). Il y aussi beaucoup de jurons français. Ce peut donc être une bonne lecture pour le second cycle secondaire (15-17 ans), avec accompagnent professoral ou d'intervenants, mais demeure un roman classé "Jeune adulte", 17 ans+.
PS: Il y a une erreur à la page 363, dans les quatrièmes de couvertures de livre suggérés. On y présente "Jemima Small" avec le descriptif du roman "Filles Uniques".
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Créée
le 8 nov. 2021
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