L’auteur américain Paolo Bacigalupi s’est fait connaître en 2009 grâce à La fille automate, roman d’anticipation basé sur l’idée d’un effondrement climatique, écologique et économique dans un avenir proche. Le bouquin m’avait beaucoup plu : malgré quelques longueurs, il est rempli de bonnes idées et fait fonctionner l’imagination à plein régime. Voilà pourquoi c’est sans trop d’inquiétude que je me suis plongé dans la lecture de Ferrailleurs des mers, écrit un an plus tard. Ou alors c’est parce que son titre sonne un peu comme une insulte du capitaine Haddock. Le cerveau vous joue parfois des tours.
Pour qui a lu La fille automate, Ferrailleurs des mers se déroule en terrain connu : ce même avenir à la fois proche et lointain, dans lequel le niveau des mers a englouti une bonne partie des côtes. Cette fois nous ne sommes plus en Asie mais en Nouvelle-Orléans, ou plutôt ce qu’il en reste. Car la vie n’est pas rose, au pays du jazz. L’économie locale est fondée sur le désossage de vieux pétroliers échoués, dont les matériaux sont ensuite revendus au plus offrant. Nailer, un adolescent, évolue au sein d’une équipe de ferrailleurs légers et est un des maillons de cette activité. Il va sans dire que le travail de ces quasi-esclaves est aussi dur que mal payé, et que leur avenir ne tient qu’à un fil. Par-dessus le marché, des ouragans qui feraient passer Katrina pour une petite brise viennent régulièrement s’abattre sur les bidonvilles des environs. Un jour, pourtant, la chance tourne pour Nailer. Suite au passage d’une tempête ravageuse, il découvre un bateau échoué. Pas un vieux pétrolier rouillé cette fois, mais plutôt un de ces navires ultramodernes qu’il voit parfois passer au loin : un clipper. Bourré de richesses, le clipper abrite aussi une survivante dont il va falloir décider du sort.
Il y a eu un petit malentendu entre Ferrailleurs des mers et moi. La comparaison avec La fille automate semble inévitable vu que les deux romans partagent le même univers, mais ces derniers ne jouent en fait pas dans la même catégorie. Nailer est un adolescent, avec des problèmes d’adolescents, dont l’histoire semble donc surtout s’adresser à un public d’adolescents. Ferrailleurs des mers a bien reçu un prix Locus, oui : celui pour jeunes adultes. Ecrit pour les plus jeunes, Ferrailleurs des mers perd en richesse ce qu’il gagne en clarté, mais sa simplicité n’en fait pas un mauvais roman pour autant. Son histoire est efficace, bien rythmée, et ne manque pas de bons moments. Par contre, inutile de s’attendre à des précisions sur le contexte économique et politique de cet avenir délabré : Nailer a d’autres chats à fouetter (par exemple survivre et échapper à un père violent) .
Roman d’aventures mâtiné d’anticipation, Ferrailleurs des mers est en fait une bonne introduction à La fille automate, étant donné la similitude de certaines de leurs thématiques (l’écologie et les manipulations génétiques, notamment). Toutefois, son éditeur est impardonnable sur un point : je n’avais jamais vu autant de coquilles dans une traduction, ce qui est d’autant plus malheureux pour un roman destiné aux jeunes lecteurs. Du coup, il donne l’impression d’avoir été sorti à la va-vite dans son édition française, ce qui est franchement dommage.
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