Ce court roman raconte l’histoire de Gon, un homme qui a une particularité singulière : en échappant à la noyade étant enfant, il a développé des branchies ! Celles-ci lui permettent ainsi de respirer sous l’eau, tel un véritable poisson. Dû à son corps également constitué d’écailles, il est plus ou moins forcé de vivre à l’écart de la société afin de ne pas être pris pour une bête de cirque. C’est à travers le prisme d’une femme qu’il a sauvée de la mort, que l’on découvre la vie de cet être fantastique.
Quand j’ai acheté ce livre, je m’attendais à découvrir une histoire plutôt magique, belle, pleine de rêverie. Non pas que j’ai été déçue, mais ce ne fut absolument pas le cas :p Certes, le héros possède des branchies, ce qui n’est pas naturel. Mais plus qu’un élément fantastique, il s’agit davantage d’une métaphore représentant toutes personnes étant ou se sentant différentes et exclues de la société et de ses canons. L’ambiance générale est donc plus difficile qu’attendue.
La question du suicide est ainsi au coeur de la première partie du récit. C’est suite à cet acte que notre narratrice est sauvée et que Gon a développé son aptitude. Par chance, celui-ci est retrouvé et pris en charge par un vieil homme et son petit-fils. De peur qu’il soit traité comme un animal de laboratoire, ils décident de le cacher chez eux plutôt que de le livrer à la police. Reclus dans la campagne, loin des regards, Gon grandit sous les maltraitances de son nouveau grand-frère, Kangha. La vie de Gon n’est donc pas facile, mais il se satisfait de celle-ci, remerciant chaque jour ses sauveurs et se faisant le plus discret possible pour ne pas les gêner.
Fils de l’eau ressemble davantage à un conte, tels Le Petit Prince, mais raconté de manière beaucoup plus moderne. A travers les différents personnages qui orbitent autour de Gon, l’auteur nous offre une critique de la société, toute en douceur. Kangha et Haeryu, la narratrice, incarnent chacun à leur manière un visage de cette société si difficile avec ceux qui sont différents. Le jeune homme est le digne représentant de ceux qui se montrent extrêmes face à la différence : il porte un intérêt quelque peu malsain à Gon ; il se montre violent sans réelle raison ; il est possessif envers cet être si singulier ; il a également pitié de lui ; son aspect le dégoûte ; et sans réellement vouloir se l’avouer, il semble jaloux de la liberté dont jouit Gon grâce à sa différence. Pourtant, à plusieurs reprises, son côté humain resurgit car il ne peut s’empêcher de tout de même aider son ami. Haeryu, pour sa part, incarne cette personne de la société qui a été déçue par une expérience et qui commence à se poser des questions et à être plus ouverte aux différences. Découvrir l’histoire via son prisme permet ainsi de découvrir l’histoire de Gon sans préjugés, sans a priori ou trop d’émotions personnelles.
Tout cela donne l’impression que le récit est plutôt froid, triste, voire même violent. Pourtant, il n’en est rien et c’est ce qui m’a le plus agréablement surprise. Tout au long du livre, je n’ai ressenti que de la chaleur, de la poésie, du calme et de la pureté. Le style de l’auteur est simple, il met les mots justes et doux sur la vie de Gon, il n’ajoute aucun fioriture aux descriptions ou à la narration. De plus, avec le champ lexical de l’eau qui occupe tout le roman, on a cette image perpétuelle de bleu profond, calme, berçant, éblouissant et qui s’écoule lentement… Enfin, outre tous les aspects difficiles abordés dans Fils de l’eau, il est important de noter que la valeur de la famille est au cœur de tout le récit, offrant une certaine chaleur sans comparaison possible.
Du début à la fin, j’ai donc été séduite par ce récit plus classique qu’il n’y paraissait. Fils de l’eau est un réel bijou littéraire venu du pays du matin calme. Je suis bien décidée à découvrir d’autres œuvres de cet auteur et plus largement des écrivains coréens.
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