Bonne intrigue, contexte foireux

Légers spoilers sur le background (pas sur l'intrigue).

Dan Simmons comme à son habitude dévoile montre encore ici son talent d'écrivain, l'intrigue est très prenante et surprenante et voir le père, le fils et le grand-père subir la décrépitude des USA transmet de plusieurs façons différentes et convaincantes le désespoir et la ruine qui hantent la société. L'utilisation du Flashback (une idée reprise d'Hypérion), sert à la fois au policier Nick Bottom à revivre les jours passés avec sa défunte femme ainsi qu'à se remémorer les souvenirs d'une vieille enquête pour trouver le meurtrier d'un puissant conseiller japonais, avec tout un lot de sous-intrigues croisées et de rebondissements sur fond de tensions familiales. La partie avec son fils rappelle beaucoup Orange Mécanique avec ses ados qui n'ont rien d'autre à faire que de s'adonner à l'ultraviolence.

Cela dit certains choix sont pour le moins curieux : l'intrigue repose sur des postulats nullement justifiés qui sont des caricatures d'opinions républicaines.

On nous dit que la politique de santé d'Obama a été capable de ruiner les USA en 20 ans (sans qu'aucune autre cause ne soit citée, comme si c'était crédible qu'il soit le seul responsable), que l'Islam n'est qu'une religion barbare sans aucun respect pour les non-musulmans, ces sous-hommes, qui a réussi on ne sait comment à s'unifier pour former un gouvernement qui étend son influence à travers la planète (en particulier en Europe, car nous ne sommes que des soumis), que le salut viendra du Texas et que l'origine humaine du réchauffement climatique est une histoire inventée par des scientifiques comploteurs (par conséquent la ville de Boulder, très portée sur l'écologie et à tendance démocrate il me semble, est la proie des clochards). Ah oui et les arabes ont encore détruit Israel (ce n'est pas la première fois chez Simmons, d'ailleurs ça fait je ne sais combien de fois que l'intrigue tourne autour de juifs martyrs depuis Hypérion, faudrait peut-être passer à autre chose).

Ma foi pourquoi pas, j'aurais été prêt à accepter ça s'il avait justifié tout ça d'une quelconque façon mais il se contente d'affirmer toutes ces choses sans que ça n'apporte quoi que ce soit à l'intrigue. Même le Califat formé par les musulmans, l'ennemi n°1 du monde civilisé face à qui les Japonais se préparent à une guerre nucléaire mondiale, n'est qu'une abstraction dont on ne voit jamais l'influence dans le scénario, on en parle par-ci par-là, sans qu'on ne croise jamais un personnage arabe ou musulman, de milices islamistes armées ou quelque chose du genre. L'auteur affirme dans son blog que ce livre ne représente pas ses opinions politiques, enfin les lecteurs familiers de son oeuvre ne seront pas surpris pour autant, avec ce qu'il a pu dire ou laisser sous-entendre on se dit que ça ne doit pas être si éloigné de ce qu'il pense réellement. On dirait qu'il se sert du choc des civilisations de Samuel Huntington pour mieux justifier ses délires paranoïaques mais je ne trouve pas ça très constructif même dans le cadre d'une dystopie, il y a des subtilités à prendre en compte je crois.

A noter que le bouquin est un bel objet doté d'une superbe couverture ; c'est bien ça qui m'a fait craquer pour l'achat malgré ce que j'en avais entendu, comme quoi ça compte ces choses-là.