La note de cette chronique ne représente rien. Je n'avais aucunement envie de noter ce recueil de dessins et de poèmes, mais impossible de poster un écrit sans chiffre ici.


Ne vous attendez pas à une analyse de haut-vol. Les rares individus qui me suivent sur SensCritique savent pertinemment que je critique et analyse essentiellement des jeux vidéo. Cette critique, c'est une petite parenthèse pour moi, parce que j'ouvre souvent ce livre quand j'ai envie de me détendre et qu'il fallait bien que j'en dise un mot.


Une œuvre à deux mains


Demandez à ma génération maudite - comprendre ceux qui ont fait une Terminal Littéraire en 2014/2015 - de citer un recueil de poésies et de dessins, elle vous répondra Les Mains Libres de Paul Eluard et de Man Ray. Quatre mois à étudier une œuvre surréaliste et ses auteurs, quatre mois à relier des dessins entre eux, des poèmes entre eux et des les deux genres entre eux ; c'est sûr, on le connait tous. La marque de ce projet surréaliste demeure bien présente sur mes camarades et moi-même, difficile d'ouvrir un recueil liant les mots et les images sans avoir des réminiscences des cours d'autrefois. Mais ne nous mentons pas : ce n'est pas un semestre intensif de cours de littérature qui aura fait de nous des critiques littéraires avertis ni des amoureux de ce genre projet. Un apprentissage long, sans être inintéressant.


Alors, un jour, je me dis : retentons l'expérience et prenons ce petit livre à la librairie du coin. Les dessins me plaisent, la prose en jette à première vue. Je l'emmène chez moi et les vieux réflexes reviennent, les mêmes questionnements appris : Les dessins illustrent-ils les poèmes ? Ou l'inverse ? Comment le recueil a-t-il été construit ? Pas de préface. Pas de note d'intention des auteurs. Difficile de savoir. Tout n'est pas incompréhensible pour mon esprit endormi puisque comme dans les Mains Libres, les poèmes et les dessins forment des couples sur une double page, ils se complètent et font écho entre eux. Ce n'est pas innocent comme disposition, on sent que les artistes se placent aux mêmes niveaux dans la composition finale. Un autre détail important, comme dans les Mains Libres, attirent nos attentions dés le début : le titre de chaque double page semble être le liant entre le dessin et le poème et éclaire la signification des deux. Un titre, j'ai tendance à la penser quand j'écris, c'est un instrument très puissant qui guide la lecture d'un écrit, surtout quand son sens semble flou. Il peut être la clé de voute de la compréhension du lecteur comme un moyen de diversion pour l'auteur. Dans Fragiles, chaque titre guide notre interprétation des pages, en plus de parler de la signification du recueil entier par leur construction grammaticale. "La Liberté", "La Naissance", "La Solitude", "La Peur", et je ne les citerai pas tous, tous ces titres mettent en avant des noms simples, sans adjectifs ou autres fioritures, ils ne sont que des concepts abstraits présentés toujours par un déterminant défini. On comprends dès lors que les auteurs veulent parler, à leur façon, des choses dans leur essence même, dans ce qu'elles ont de plus purs avec le regard de leur personnage fictif, cette petite fille présente à chaque illustration.


La Pureté


La pureté apparaît donc comme un thème central du recueil. La pureté qui menace de se perdre à chaque instant comme dans les couples "La Peur", "Le Bonheur" "L'action" ou "L'Oubli". La pureté et la fragilité de l'enfance qui se rejoignent et se confondent. Les dessins sont peu détaillés, le personnage de la fille n'a que deux yeux et son visage est inexpressif. Le personnage semble vivre sur une planète désert, peu d’éléments composent les images, par exemple le dessin "La Confiance" ne présente qu'une fille agenouillée avec un œuf à sa droite. Cette simplicité dans le trait et la composition de l'image en plus de rejoindre le thème de la pureté et de la fragilité que j'évoquais plus haut me font penser aux illustrations du Petit Prince.


Du côté du texte, je serais moins catégorique. L'auteur ne s’embarrasse pas de règles strictes et de versifications. Certains poèmes ne sont composés que d'une ligne comme ici :
"Il y a des jours où les citrouilles ne sont que des citrouilles." - Le Désenchantement.
.Les adjectifs sont rares, certaines formulations sont peu complexes, peu de métaphores ou d'image, peu de jeux de sonorité... Après, pureté ne rime pas forcément avec simplicité. La difficulté de la critique réside dans cette nuance cruciale, comment rendre compte de la pureté et de la fragilité du texte ? Certains trouveront des passages incompréhensibles. Moi aussi. Et pourtant, d'autres m'émeuvent
"Et je vivrai cette ombre dessinée contre l'oubli.",
"Il y aura tant à regretter. C'est effrayant ce que le monde est clame avant."
toujours parce qu'ils définissent le titre, parce que l'évidence se présente à nous simplement. J'en suis à ma dixième lecture et je pense que je serais bien incapable d'argumenter efficacement pour vous expliquer pourquoi j'y vois de la pureté dans ces écrits et dans leur combinaison avec les images. Alors arrêtons-nous là.


J'adore ce livre. J'adore y retourner ponctuellement. Relire certains poèmes. (Re)Découvrir certains couples . Ce n'est pas le livre qui change votre vie, mais la petite pause salvatrice qu'on ouvre de temps en temps.

H_Zinzolin
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le 13 mars 2018

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H_Zinzolin

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