Freelance - Grover lewis à Rolling Stone, une vie dans les marges du journalisme par raoulle
Freelance est une belle pelote avec plein de fils à tirer. Le fil du journalisme (qui meurt) le fil de l’amitié (qui est là) c’est aussi un autoportrait déguisé, avec plein d’autres fils à tirer… Résumons un peu tout ça : début seventies, Garnier découvre Grover Lewis, formidable gratte papier labellisé Rolling Stone, un modèle, presque en tout. Des papiers fleuves, méandreux, des papiers un peu filous sur les bords ; plus que les tables d’une hypothétique culture rock en marche, l’œuvre d’un passeur qui offrait des kilomètres de mots et ouvrait une multitude de portes. Garnier sera marqué à vie par cette découverte, plus tard il rencontrera Grover Lewis et deviendra son ami. Un passeur qui passe et voilà bientôt deux passeurs. Le bouquin raconte et se souvient de tout ça, de cette belle histoire d’amitié et de transmission, comment Garnier est devenu journaliste et passeur à son tour, auteur de « papiers fleuves et méandreux… » En bon fossoyeur maniaque qu’il est Garnier déterre quelques articles magnifiquement ficelés par son ami : deux, trois in extenso en VO, une chronique, écrite par Lewis en 1971 sur le tournage de The Last Picture Show, une interview de Robert Mitchum plus croquignolette que ma main, les ombres de Judee Stil ou de Tuesday Wled qui passent… Lee Marvin, Gus Hasford, Aldo Ray, Paul Newman, des bons gars, des cool guys qui son là presque palpables… il est même question de la tentative d’assassinat contre Larry Flint, Gover Lewis était là à deux pas, de la fin du rêve hippie à Altamont, en 1969 et même des Alllman Brothers ces sudistes furieux, forcement furieux …Au-delà de Grover Lewis et de ses articles, le livre de Garnier raconte aussi l’histoire d’un certain type de journalisme, un journalisme qui n’existe plus, un journalisme où le journaliste (Gonzo ou pas) pouvait s’épancher sur plus de trente feuillets sans risquer le courroux de quiconque où la vérité sortait parfois de l’imaginaire et où on pouvait sereinement mal penser. Une fois toutes ces pages (passionnantes) passées Garnier revient à son modèle, à l’histoire personnelle de Grover Lewis, l’histoire d’un type né dans un trou du Nord Texas, orphelin à douze ans, ses parents trucidés mutuellement. Un type à demi aveugle qui se nourrissait « presque exclusivement de vodka et de tabac gris » un type qui « s’y entendait pour trouver le secret de quelqu’un, lui piquer son or, trouver la veine ».
Si Grover Lewis était très bon, un peu marlou et même capable d’inventer pour mieux être avec son sujet. Garnier est lui aussi très bon, à sa manière habituelle, fureteuse, maniaque, nécrophage diront certains, avec cette sensibilité érudite et mélancolique qui fait tout son charme.
Au final, plus qu’un plaisir de lecture quelque chose ayant à voir avec les plaisirs du ventre …C’est un livre qui se dévore plus qu’il ne se lit, dévorez-le !