Tout ou rien...
C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...
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le 6 sept. 2013
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Avant d'aborder ce livre, je vais être obligé de faire un peu de retour sur mon propre itinéraire intellectuel.
J'ai eu pendant le confinement de longues discussions avec des amis parisiens, fans de Charlie Hebdo et comme souvent chez les lecteurs de ce journal, à la fois très cultivés et très chatouilleux sur les questions d'identité, intersectionnalité etc... J'ai décidé de chercher à comprendre ce qui les rendaient si virulents avec la gauche radicale. L'islamisme est très vite arrivé sur le tapis. J'ai donc décidé de commander ce livre, qui est à l'origine de la notoriété de Caroline Fourest (abrégé en F.), et qui a contribué à l'émergence de ce qualificatif d'"islamo-gauchiste" que j'ai toujours trouvé si ridicule, car c'était Valls ou d'autres hommes politiques de droite qui l'utilisaient. En ce terrible et glaçant mois d'octobre 2020, où ce monstre sémantique est devenu un standard pour mettre en cause la gauche, je ne peux que me dire que j'ai bien fait d'apprendre à connaître l'ennemi.
Venons-en à Tariq Ramadan (abrégé en R.). Ce livre a été écrit bien avant qu'on ne l'accuse de harcèlement sexuel et de viol, mais à l'époque où déjà on le soupçonnait de double discours : prétendant défendre un islam modéré, compatible à la république, tout en ayant un agenda caché de remise en cause de la laïcité au profit de la loi islamique. C'est un travail dense et argumenté : F. a lu les ouvrages et les tribunes de R., a visionné les cassettes de conférence en arabe à destination des croyants (rappelons qu'elle-même n'est pas arabophone, et doit passer par le filtre d'interprètes) et elle a identifié de manière convaincante un double discours. Elle évoque "une centaine de cassettes, une quinzaine de livres, 1500 pages d'interviews et d'articles [...] *sans compter l'historiographie consacrée aux Frères musulmans [abrégé FM], à Hassan al-Banna, les opuscules de la famille Ramadan*...". Rien que le fait d'avoir mené un tel travail mérite l'admiration, même s'il limite un peu l'ouvrage à la question : "quels sont les signes de double-discours dans l'oeuvre de R. ?". L'ouvrage prend soin, d'ailleurs, de tout sourcer via des notes de bas de page. Cela dit, dans sa manière d'écrire, elle est davantage journaliste/polémiste que chercheuse (p. 81 : "Tout petit, Tariq Ramadan se sent différent des autres enfants. A l'âge de huit ans, il tape de toutes ses forces dans le ballon rond en rêvant d'exploit sportifs mais son entraîneur au Star Sécheron est obligé d'expliquer à ses camarades qu'il prendra sa douche tout habillé pour ne pas se montrer nu, comme sa religion le lui demande"). Et il y a toujours un moment dans cet ouvrage où je m'arrête et où je me dis : ne glisse-t-on pas habilement vers autre chose ?
Il ne faut pas se voiler la face : cet ouvrage est dérangeant pour la gauche, car il montre l'entrisme réussi, au début des années 2000, de Tariq R. dans les milieux des défenseurs des droits de l'Homme et de l'altermondialisme, via une rhétorique anticoloniale, dans le but de développer un certain relativisme rendant un islam radical acceptable, favorable au voile et, derrière, à la charia.
Un homme de gauche ne ressortira pas indemne de ce livre, car outre certaines personnalités de gauche, la Ligue des Droits de l'Homme, certains journalistes du Monde et du Monde Diplomatique en prennent pour leur grade. Il faut se l'avouer : sans doute avons-nous péché par un certain angélisme lié à des équivoques comme, par exemple, le flou du terme "islamophobe", qui peut désigner aussi bien le fait de critiquer l'islam que de tabasser une femme voilée.
Je ne vais pas mentir, je rêvais de prendre F. en défaut sur du factuel mais il faut bien avouer que mes compétences ne sont pas à la hauteur, car ces questions religieuses ne sont pas ma tasse de thé en temps normal ; j'arrive avec 20 ans de retard, et quand elle dit p. 19 "Hassan al-Bana est révéré par les islamistes du monde entier", je n'ai pas la culture pour dire si cette affirmation est vraie ou fausse, si c'est une généralisation abusive ou non. Je découvre le sujet. De même, je n'ai pas le temps de me taper toute l'oeuvre de Ramadan pour vérifier si toutes les références sont vraies. Simplement je n'aime pas trop des phrases comme celle-ci, p. 256 : "Rien ne permet de penser le contraire", qui fonctionne en tenant pour coupable par défaut. Idem p. 383 : "Les Frères Musulmans rêvent déjà la restauration d'un califat, où juifs et chrétiens auraient le statut de dhimmis. Rien ne permet d'imaginer que R. ne partage pas ce rêve". A noter cet aveu de F., qui s'est toujours vécue en vigie républicaine : sa difficulté à "ne rien vouloir omettre ou exagérer, où l'on s'oblige à douter en permanence pour ne pas se laisser piéger par ses premières impressions".
Pourtant F. a bien bétonné son ouvrage, anticipant les attaques qu'elle prendrait à gauche pour en faire une citadelle inexpugnable, et je dois m'avouer que je me trouve au pied du rempart, sans moyen d'attaquer. Avec simplement cet angle : pourquoi ce livre me fait-il sentir à l'extérieur de la citadelle laïque de F., et pas à l'intérieur, moi qui suis agnostique ?
Est-ce parce que le livre est uniquement à charge ? On ne peut le reprocher à l'autrice, car Ramadan mérite amplement le procès qui lui ai fait pour tout le mal qu'il a fait. Est-ce parce que c'est ma famille politique qui est mise en cause ? Non, les critiques de F. sont méritées, et si elles peuvent amener la gauche altermondialiste à plus de vigilance pour trier les loups cachés parmi les brebis, ça n'en sera que mieux.
Ce que je reproche à F., au fonds, c'est de mal poser le problème. Car au fonds, quelle est sa démarche ? Elle pointe du doigt les gens, souvent de gauche, qu'elle n'estime pas assez vigilants vis-à-vis des islamistes qui disent ce que l'on aimerait entendre pour pousser leur propre agenda. Et si ces gens prennent mal ce reproche, c'est soi la preuve d'une collusion ou d'un aveuglement. Mais la question qui se pose est : En-dehors de son rôle de Cassandre, qu'est-ce que F. a accompli pour lutter contre l'islamisme ?
Sa vision est la suivante : il faut que l'opinion soit vigilante vis-à-vis de la laïcité, toute compromission, toute absence de soutien aux pressions des religieux contre les partisans de la liberté d'expression étant une trahison, un renoncement. Il faudrait donc une mobilisation permanente de l'opinion, et une mise à l'index de toute personne qui faiblirait.
Mais est-ce comme cela qu'on lutte contre l'islamisme et le djihadisme ? F. ne passe que par le socio-culturel (oui désolé je n'utilise pas l'adjectif "sociétal"), on a l'impression qu'elle vit dans un monde où les relations diplomatiques, la géopolitique n'existent pas, il n'y a que des individus qui se posent des questions d'identité à l'intérieur d'un pays, la France, menacé par une puissance occulte extérieure, les Frères musulmans, qui poussent en rhizome. Et pour moi c'est très réducteur, car la lutte EFFICACE contre les dérives islamistes passe par le travail des services de renseignement, pour si lent, ingrat et peu médiatique qu'il soit, par la traque des sources de financement du terrorisme, par une attitude plus ferme au niveau diplomatique vis-à-vis des pétromonarchies qui financent l'islam politique. Dans l'ouvrage, il est question de l'Iran, du Hamas, de l'Egypte, du Pakistan, mais tellement peu de l'Arabie Saoudite ou du Qatar ! Penser que la lutte contre le danger (indéniable) de l'islamisme doit passer par la mobilisation de l'opinion française, ça pose de nombreux problèmes : 1 - C'est un jeu vraiment dangereux dans une époque de montée de l'extrême-droite. 2 - Je doute que ça apporte un quelconque résultat, en tout cas j'aimerais qu'on m'en montre. 3 - On crée les conditions d'un mccarthysme sans fin, où chacun doit perpétuellement prouver sa parfaite adhésion à une laïcité "à la française" qu'il est interdit de questionner.
A ce sujet, précisons : je ne remets pas en cause la laïcité "à la française", qui exige la neutralité dans les institutions et à l'école. Je l'accepte, non pas par adhésion, mais parce que je sais, en historien, que c'est un résultat qui a déjà été chèrement acquis, des guerres de religion en passant par la querelle des inventaires qui suit la loi de 1905.
Je ne ferai pas à F. le procès d'avoir fait le lit de l'extrême-droite en lui fournissant les armes intellectuelles qui lui permettent aujourd'hui, à bon compte, de mettre en cause tout homme de gauche défenseur des droits de l'Homme. Ses critiques sont fondées, et je ne doute pas qu'à l'époque elle a reçu des coups sur sa gauche, et des menaces de la part de religieux. Mais c'est aussi ce qui lui a valu sa place actuelle sur les plateaux télés. Et aujourd'hui le constat est là : Fourest doit lutter pour que son combat ne s'identifie pas à celui du FN.
Mais revenons à Tariq Ramadan. J'ai parlé bien plus de l'autrice que du livre, que je vais maintenant décortiquer.
Il se décompose en trois parties : Parcours et références (la formation de R. et ses liens avec Hassan el-Banna, fondateur des frères musulmans) ; Discours (analyse des thématiques de R.) ; Stratégie et méthode (l'infiltration des milieux altermondialistes).
I - Parcours et références
Ch. 1 - "L'avenir de l'islam" ou des Frères musulmans ?
R.est le petit-fils d'Hassan el-Bana, fondateur des Frères musulmans (FM). Il refuse qu'on l'affilie à cette confrérie qui rêve de passer par les urnes et l'éducation pour faire entrer la charia dans le monde politique, mais dans un livre d'entretien, il dit qu'el-Bana est une référence pour lui. Il reconnaît simplement qu'il faut le replacer "dans son contexte". En réalité, dans les cassettes de conférences des éditions Tahwid, il vulgarise la pensée de Bana. Dans les années 1920, en Egypte, ce dernier inscrit les FM dans un combat anti-impérialiste et fondamentaliste. Bana condamne L'islam et les fondements du pouvoir, d'Ali Abd al-Raziq (1925), qui réfute toute volonté de dimension politique de l'islam chez Mahomet après sa mort. Bana a une formation salafiste via Rashid Rida. Dans sa thèse de 1998, R. inscrivait son grand-père parmi les réformistes de l'islam, depuis al-Afghani (fondateur du salafisme), mais cette oeuvre de réhabilitation a été refusée par un premier jury. En Egypte, les FM se structurent à la fois comme un mouvement et comme un courant de pensée, mais pas comme un parti afin de ne pas être interdits. Ils misent sur l'éducation et sur l'entrisme. Leur programme veut un retour à l'islam médiéval d'après un manifeste de 1936. R. n'a pas apprécié qu'une revue en produise une traduction française. Les FM mobilisent par le bas pour conquérir le haut. Dans ce passage se joue un des noeuds du livre : la stratégie de "conquête par étape" des FM, avec les trois étapes de l'être humain, de la famille, puis du peuple. Viennent ensuite quatre étapes qui s'échelonnent de l'éradication de l'influence occidentale à la conquête du monde. Ces étapes-là, R. ne les évoque jamais. La tactique de conquête passe par des associations d'entraide de type soutien scolaire. La structure du mouvement est très verticale, avec un conseil de 20 membres choisis par le Guide. Enfin, concernant l'entrisme, F. se sert des mémoires de Zaynab al-Ghazali, qui à force de double-discours fait entrer dans les années 1930 l'Association des femmes musulmanes dans l'orbite des FM. Ces derniers prennent un drapeau : deux sabres croisés sur un Coran (comme le Hamas). L'organisation segmente et va jusqu'à nier les liens avec ses cellules exposées. F. place évidemment la taqiyya, autorisation de mentir et d'abjurer momentanément sa foi pour survivre, et balance au passage quelques noms : Amar Lasfar et Hassan al-Tourabi ou Omar Bakri. Evidemment R. l'utilise quand il nie tout "lien organique" avec les FM. Argument d'autorité en appelant à Antoine Sfeir et Richard Labévière. Enfin, R. dénie à Bana toute pensée violente, alors qu'il glorifiait le djihad armé, les FM ayant créé une branche armée, l'Organisation Spéciale, qui chassait de l'Israélien en Palestine et est l'embryon du Hamas, que R. place sur le terrain de la légitime défense. En 1948, c'est un assassinat qui provoque la dissolution des FM jusqu'aux printemps arabes. Ms pour R., les FM faisaient du travail social et de l'émancipation. Ils sont persécutés après une tentative ratée de tuer Nasser. F. parle de Qotb comme d'un refondateur des FM dans un sens djihadiste (c'est peut-être plus compliqué que cela), mais se donne du mal pour le rattacher à Bana, et pas seulement à Mawdudi, équivalent de Bana au Pakistan. F. en veut pour preuve Des jours de ma vie, les mémoires de Zaynab al-Ghazali, emprisonnée et torturée sous Nasser, qu'elle présente comme une disciple de Qotb radicalisée avant même son arrestation. On suit le devenir de la famille R. en exil en Suisse, le passage de R. à l'Islamic Foundation de Leicester, un institut de radicalisation qu'il remercie en préface d'un livre. Des liens se tissent via R. avec la librairie Tahwid à Lyon. L'affaire Salman Rushdie est un premier temps fort de mobilisation. "Un univers où le nom de Tariq Ramadan ne dépareille pas", dit F.
Ch. 2 - L'héritier.
F. revient sur le parcours de R. en soulignant son héritage vis-à-vis de Bana. Il n'a pas de formation universitaire d'Al-Azhar, où il n'a fait qu'un stage express. Son éducation religieuse vient de sa famille. Il n'est ni imam, ni même vraiment universitaire : il n'a été que professeur en collège avant qu'une université catholique américaine le recrute en 2004, avec une fois par semaine un cours d'éducation religieuse en tant qu'extérieur à l'université de Fribourg. Retour sur le parcours de son père Saïd, qui a lutté en Palestine en 1947. Il passe ensuite au Pakistan, où F. lui accorde une grande importance dans le passage à une république islamique (d'une page à l'autre, p. 70 à 71, F. attribue ce passage à Saïd R. puis à Mawdudi), puis s'investit dans le journal islamiste internationaliste Al-Muslimoon, avant de passer en Arabie Saoudite et créer la Ligue Islamique mondiale en 1962 (un vrai Trotsky islamiste !). Avec l'appui du prince Faysal, à partir de 1958 il monte le Centre islamique de Genève, qui cherche "la lutte contre le matérialisme athée sous toutes ses formes". Depuis 1995, via Mustapha Machour, on sait que des branches ont été créées partout en Europe. On en vient à Tariq, dont le nom, selon F., est forcément inspiré de Tariq Ibn Zyad, premier conquérant à avoir foulé l'Espagne (affirmation qui n'engage qu'elle). F. se laisse aller à un peu de roman pour combler les vides. Après 1971, la contribution saoudienne aurait été suspendue, précarisant un peu la famille. R., rêvant d'Egypte, y serait retourné en 1978, trouvant un pays sécularisé. Enseignant, il fonde l'association Coup de main qui permet à des jeunes de voyager et rencontre Mère Thérésa, le Dalaï Lama, Hubert Reeves, Guy Gilbert, l'Abbé Pierre : de nombreuses célébrités dont il peut faire croire qu'il les connaît et qui le posent en tiers-mondiste. En particulier Dom Helder Camara, pour faire un parallèle avec la théologie de la libération sud-américaine. Il a des contacts à l'Islamic Relief, dirigé par un certain Hany el-Bana, sans lien de parenté, qui utilise l'humanitaire pour favoriser les conversions. En 1993, R. est invité par Hassan al-Tourabi, homme fort du Soudan partisan de la charia. A partir de 1989 et de la première affaire du voile à Creil, R. se recentre sur l'Europe. Dès 1992, il devient prédicateur de l'UOIF, relais des FM en France (elle défend Banna et Qotb). Ahmed Djamallah la présente comme une fusée à deux étages : démocratique, puis islamiste. Cette organisation crée un conseil européen de la fatwa, dont R. préface le premier recueil, où l'on trouve une condamnation de l'avortement, et dont le président est un dur, Youssef al-Qaradhawi. En 2003, ce conseil déclare le djihad conforme au Coran. Bizarrement, Sarkozy l'intègre quand même au CFCM créé en 2002. Mais c'est à l'UJM de Lyon que R. se crée son premier fief français, avec l'aide d'Abdelaziz Chaambi. Il y a un vide à occuper, dix ans après la gueule de bois de "Touche pas à mon pote". R. devient l'invité-phare, qui parle au nom des jeunes des banlieues. En 1994, R. fonde Musulmans et musulmanes de Suisse, qui est un bide et pousse des intervenants radicaux qui prône l'exemple algérien. La presse suisse n'est pas dupe. Grillé, R. crie à l'islamophobie et fonde une nouvelle association en France, Présence musulmane. Son père meurt en 1995, et dans un discours ému, R. se pose en héritier de son grand-père et son père. R. hérite de l'argent et soutient la maison d'édition Tahwid, qui lui paie des droits d'auteur. Le frère, Hani Ramadan, austère et extrémiste, reste à la tête du Centre islamique de Genève. Son livre La femme en islam (1998) choque. Ses articles joue sur la victimisation face à un Occident qui ne veut pas comprendre la charia et sa spécificité culturelle. Hani est suspendu de son poste de maître de français, et R., tout en gardant ses distances, le défend au nom de la liberté d'expression. F. évoque en 2003 la fameuse intervention face à Sarkozy dans laquelle, face au rappel de ce que dit son frère, R. prône un lunaire "moratoire sur la lapidation" dans le monde musulman. Et si R. dit prendre ses distances avec son frère, leurs déclarations sont assez concordantes. R. a fait siffler Sarkozy lorsqu'il est venu à l'UOIF et a rappelé qu'on doit poser tête nue sur sa carte d'identité. Dans une cassette de réaction, énervé, R. encourage les musulmans éduqués à rester sur le terrain pour répandre la dawa (prédication). F. souligne ensuite les liens du centre de Genève avec le GIA et le FIS algériens. En 1995, voulant passer de Suisse en France, R. est refoulé et interdit de séjour pour "menace à l'ordre public". Il se victimise bien et un comité de soutien est monté avec des gens de gauche, de l'épiscopat et de la LDH. Hani Ramadan aussi, un an après. Après le 11 septembre, il soutient les talibans au nom de la solidarité islamiste. Il y a eu des soupçons de financement ou du moins de contact avec des responsables d'Al-Qaïda : Ahmed Brahim, Ayman al-Zawahiri et Omar Abdel-Rahman. F. critique une enquête suisse bâclée, selon elle. Le nom des Ramadan apparaîtrait aussi dans le registre de la banque al-Taqwa, organisme de financement du terrorisme démantelé fin 2001. R. nie, mais il était très ami avec son président, Youssef Nada. Et aussi les liens avec un étonnant banquier néonazi, François Genoud. Quand ça sent le roussi, R. minimise son implication dans le centre de Genève, mais il devient aussi interdit d'entrée aux Etats-Unis. Arrêté, un islamiste lyonnais cite R. comme influence, mais il balaie l'accusation en jouant sur la chronologie et les mots.
Partie II - Discours
Ch. 1 - "Réformiste" mais intégriste.
R. joue sur le mot "réformateur", qui peut faire penser à une modernisation dans un sens libéral alors qu'il entend juste une adaptation aux conditions du moment pour suivre les buts de Bana. Le salafisme se pense en réformisme. F. rappelle les piliers de l'islam libéral : déconnecter l'islam du politique, le rendre compatible avec la laïcité et la démocratie, privilégier la raison et renoncer au prosélytisme. Les salafistes s'opposent à tous ces points, et dans son livre Les musulmans et l'Occident... (2003), Ramadan attaque les libéraux en les accusant d'être un "islam sans l'islam". Parmi ses cibles, des modérés comme le mufti de Marseille Soheib Bencheikh ou Dalil Boubakeur de la mosquée de Paris. il leur reproche de renoncer à l'obligation du rite quotidien, au port du voile et de promouvoir, à travers le rationalisme, un individualisme. Par ce glissement, il réhabilite les musulmans intégristes, qui apparaissent comme de "vrais musulmans". En se posant en juste milieu, il déplace le curseur de l'acceptable vers un islam plus rigoureux. Il présente l'islam en six tendances, dont trois sont en fait des branches du salafisme, afin de donner l'impression de musulmans modérés minoritaires. Lui-même se pose en salafiste réformiste, mais devant un autre public, il accuse son opposant, Bencheikh, de chercher à le salir en le traitant de salafiste. Il se dit littéraliste. On peut se passer pour progressiste en faisant valoir que le Coran est le premier texte à ne pas rendre la femme responsable du péché originel. Cependant la plupart des coutumes sexistes de l'islam ne sont pas dans le Coran, qui s'oppose par exemple aux mariages forcés, essaie d'encadrer l'excision. R. le dit parfois mais ne l'écrit pas dans ses livres. Cela reste très insuffisant pour le XXIe siècle. Mais R. est opposé à la choura (délibération) et ijma (consensus) allant vers une évolution. Il est peu enclin à permettre d'abandonner l'islam, et recommande de ne pas cracher sur ses anciens frères en religion. Il est virulent contre Rushdie, pas hostile à la polygamie et opposé aux mariages mixtes fille musulmane-garçon non musulman. Il dit que la femme n'est pas l'esclave du mari mais ne condamne pas l'autorisation faite dans le Coran de la battre. Enfin il y a l'histoire du moratoire sur la lapidation, au nom d'un islam "englobant", formulation qui pour F. déguise la notion d'"islam politique". Le modèle de R., dans le monde chrétien, serait Jerry Falwell. Il se défend de ce parallèle au nom d'un différentialisme culturel. F. dit que R. n'utilise pas le terme d'"intégriste" à propos de l'islam politique (p. 172), pourtant une citation contredit cette affirmation p. 152. Enfin, il pose Kant et Pascal comme des contre-modèles dans ses cassettes et adore taper sur Dostoïevski.
Ch. 2 - Féministe mais anti-MLF et puritain.
R. s'est revendiqué d'un "féminisme islamique" prônant la libération de la femme "dans et pas l'islam". Le Coran est pourtant moins sexiste que la Torah ou Saint Paul. Les sourates XXXIII et XXXIV prônant le voile a été prononcée dans un contexte de viols répétés des musulmanes par les Médinois. Mais la traduction semble désigner la poitrine et les bras. Le niqab ne correspond pas au Coran. Les islamistes n'en démordent pas, et Khomeyni a varié sur ces questions, le temps de conquérir le pouvoir. R. montre pourtant l'Iran comme un modèle de promotion des femmes. Le voile est une obligation mais sans contrainte, c'est surtout un acte de foi, de fierté. Il encourage les femmes à ne pas se laisser intimider. J. Costa-Lascoux remarque que cela a détourné des jeunes filles de vocation pour les études. R. caricature le MLF et pose le féminisme occidental en repoussoir, mettant en modèle Zaynab al-Ghazali. Les femmes doivent servir la cause. Comme le catholicisme intégriste, il cantonne les femmes au care. Il critique la différenciation sexuelle en Arabie Saoudite, mais pose en modèle l'Iran. Et la femme doit mettre au premier plan la famille et le foyer, même si en échange, on confie à la mère un rôle central. Le sexe n'a pas les interdits du christianisme (enfin si, la sodomie), mais doit se faire dans le cadre de mariages non mixtes. Il privilégie une contraception naturelle, ce qui tombe mal vu que l'UOIF condamne l'avortement. Les homosexuels doivent être guéris de leur erreur. La femme doit faire des efforts pour protéger l'homme de l'adultère, en revanche dans le cadre du mariage elle ne doit pas se refuser à lui. Cela donne des arguments à de la non-mixité, même si elle n'est pas explicitement revendiquée. Sans vraiment chercher à le prouver, F. attribue à R. l'explosion des cas de refus d'enlever le voile dans les années 2000 (1500 cas dont 150 problématiques), et le rappel des piscines non mixtes consenties par Aubry à Lille.
Ch. 3 - Musulman et citoyen, mais musulman d'abord !
Dans 3 livres, R. aborde la laïcité : Les musulmans dans la laïcité (1994), Être musulman européen (1999) et Les musulmans d'Occident (2003). De manière ambigüe, même si l'accueil est bienveillant dans la presse. Pourtant il compare la citoyenneté française à une piscine et la conscience religieuse à une mer. Il encourage à respecter la constitution du lieu où l'on vit... tant que cela ne remet pas en cause l'identité musulmane, qui chez R. n'est pas particulièrement moderne et éclairée. Il rappelle que des "savants" refusent la musique, etc... il appelle à ne pas les traiter d'intégristes et se pose en partisan du juste milieu. Il appelle de ses voeux, pour les enfants notamment, une culture islamique européenne. En 1993, il mobilise pour faire interdire Mahomet ou le fanatisme, une pièce de Voltaire jugée islamophobe. Il condamne les sorties en boîte de nuit, le rap (témoignage d'Abd-el Malik, qui est sorti de l'UOIF), encourage à beaucoup filtrer le cinéma. R. ajoute aussi aux 5 piliers de l'islam 4 autres non négociables : la foi, la compréhension, l'éducation et l'action. Il n'est pas favorable à des écoles pour musulman, car cela limiterait les possibilités de prosélytisme. Avec l'idée qu'il faut un complément islamique. Et F. de citer des ouvrages rétrogrades de Tahwid, comme des livres niant le darwinisme, ou des aménagements pour l'EPS des filles. Sur la laïcité, il y a un double discours, que F. surprend clairement chez Omar Lasfar ou Yamin Makri. R. s'oppose à Tarek Oubrou, qui prône une adaptation de la charia à la laïcité. Il parle de l'Europe comme d'une "terre de témoignage" (dar el-shahada) dans laquelle la laïcité doit évoluer. Il met en avant la communauté en fustigeant la "mentalité de ghetto", et prône une fierté retrouvée, positive des banlieues. Il nie avoir des ambitions politiques, mais reste fidèle à la méthode de Bana qui part des oeuvres sociales. Il assure de son soutien électoral ceux, non musulmans, qui défendront les intérêts de sa communauté. F. revient sur l'exemple de Montpellier, avec plusieurs associations étudiantes islamistes successives : l'EMF, le CRI, Femmes d'aujourd'hui, Jeunesses sans frontières. Avec des revendications comme des salles de prières, des horaires adaptés pendant le ramadan et des cités universitaires non mixtes. Rappel d'une mésaventure de Georges Frêche, qui pour une blague lourde perd les législatives à leur instigation. Mais R. met en avant que revendiquer au grand jour une volonté de conquête, comme le chefkh Omar Bakri au Royaume Uni, est contre-productif. D. Bouzar, dans L'islam des banlieues, a développé l'idée que l'islam est vecteur d'intégration. Constat non partagé par F. Amara de Ni putes ni soumises, avec le développement d'un véritable contrôle social. Les années 1990 ont marqué un tournant des socialistes et d'autres partis vers un certain clientélisme religieux, subventionnant les associations confessionnelles dans les banlieues. Rappelant le drame d'une jeune fille brûlée en 2003 car jugée trop libre, F. parle d'une véritable "génération Ramadan". Elle rapporte le témoignage d'une mère dont le fils est tombé dedans, qui vient la voir à la fin d'une conférence sur la laïcité. Christian Delorme, "le curé des Minguettes", en est aussi revenu, et ne voit plus dans l'UJM de Lyon l'équivalent de la JOC.
Ch. 4 - Pas ce choc mais un "face-à-face des civilisations"
R. a été nommé par Prodi à un groupe sur le dialogue entre les peuples à la Commission européenne en 2003. Se disant homme de dialogue, il recommande pourtant Le choc des civilisations de Huntington. Un de ses livres a pour titre Le face à face des civilisations. R. demande à ne pas caricaturer l'Occident mais le définit par un tryptique "individualisme, rationalisme, modernisme". Mais il le décrit soit comme désenchanté, comme M. Gauchet, soit comme décadent. Un reproche fait est celui d'une sécularisation excessive. La modernité est acceptée dans la mesure où elle peut servir la religion. Il cite Serge Latouche, Edgar Morin, pour dénoncer l'occidentalisation subie du fait de la mondialisation. Il ne souhaite pas que les pays arabes s'alignent sur des constitutions occidentales, ce qui relèverait d'une colonisation. Il fustige Titanic et les Spice girls, critique la Banque Mondiale et le FMI. Il vante l'apport des penseurs arabes à l'Occident mais minimise le rationalisme d'Averroes. Il a cité le Soudan de Tourabi comme modèle. Enfin, il assimile les critiques à une diabolisation pour empêcher l'islam de résister à l'occidentalisation. Il mise sur un réveil islamique qui rappelle le mouvement des born again aux Etats-Unis. Sa volonté d'unification des musulmans se fait par un appauvrissement intellectuel. Sa position est assez indulgente avec les talibans, et sévère avec les Saoudiens, américanisés. Enfin, F. prend une tribune suivant le 11 septembre 2001, mais il sème le doute sur le fait que l'attentat vienne d'Al-Qaida. En-dehors de cela, au Moyen-Orient il ne parle que de résistances arabes, notamment concernant le Hamas. Il déplore des malentendus concernant le FIS, victime d'une "horrible répression". Il dénigre les opposants au FIS comme Khalida Messaoudi, et copine avec Yahya Michot, qui a défendu le massacre des moines de Tibéhirine en 1996. R. ne pacifie pas, il contribue à la radicalisation.
III - Stratégie et méthode.
Ch. 1 - L'Occident comme terre de "collaborations"
Après l'échec algérien, l'Occident a été une terre de repli pour les FM. Il engage à chercher des "sphères de collaboration", c'est-à-dire, inversant la volonté d'Huntington de chercher des musulmans modérés, de chercher des gens pas hostiles à l'islam. Cette collaboration est à sens unique, il ne faut rien lâcher en terme d'identité. Il développe un jeu de mots à double-sens, "rationalité" pouvant désigner un cheminement vers la foi, laïcité comme un cadre garantissant la liberté de culte (et non la neutralité de l'Etat), citoyenneté comme une "aire géographique". Le ton des cassettes, devant un auditoire musulman acquis, est souvent bien plus véhément et absolu. Retour de F. sur le souvenir d'un face-à-face à l'UNESCO entre Ghaleb Bencheikh et Ramadan, que ce dernier remporte par sa maîtrise rhétorique, qui relève moins de la boxe que de la course de fonds. L'entrisme passe par le dialogue interreligieux : l'UJM de Lyon a noyauté peu à peu le centre oecuménique de Villeurbanne. Jean Costil, de la CIMADE de Lyon, le cerne très vite. Via la protestante Colette Bergese, des tables rondes se montent, qui déplorent que l'avis des représentants religieux soit si peu pris en compte. Des gens comme Christian Delorme, abusés, servent de caution sans s'en rendre compte. Il séduit aussi des responsables catholigiques comme Mgr Gaillot ou l'évêque de Lille, qui le défendent en cas de polémique. Il défend cependant nettement le différentialisme : seuls les musulmans peuvent parler de l'islam. Jacques Neyrinck signe avec lui Peut-on vivre avec l'islam ?, très hostile au matérialisme moderne. En juillet 2004, R. est interdit de territoire américain, ce qui l'empêche de tenir une chaire à l'université Notre-Dame de Scott Appelby. Chez les universitaires, les alliés de R. sont : les partisans de la "laïcité ouverte", les naïfs, ceux qui sont complaisants avec l'islamisme. F. balance des noms : Bruno Etienne, et François Burgat, de l'IREMAM, affilié au CNRS, dont F. rappelle en détail les prises de position, notamment sa complaisance envers le FIS et Khomeyni. Il dénonce une surestimation du péril islamiste. Enfin, F. revient en détail sur le rédac chef du Monde diplomatique au début des années 2000, Alain Gresh, dont F. dit qu'il est tout à fait conscient du projet de R. Elle revient sur ses origines juives, élevé dans une famille copte, fils d'Henri Curiel. Il fait de nombreuses conférences avec R., F. commente notamment une qui s'appelle "Y'a-t-il un péril islamiste ?". Il y défend l'Iran, le FIS. Gresh mobilise ses contacts pour défendre R. et lui offre les tribunes dont il a besoin.
Ch. 2 - L'infiltration de la gauche laïque.
On arrive dans la partie qui fait vraiment mal pour la gauche (on notera que Mélenchon est épargné !). F. n'utilise pas le terme d'islamo-gauchisme, mais l'idée est déjà là : une passerelle s'est créée entre des altermondialistes naïfs et des islamistes cyniques. La famille Ramadan a en effet cherché très tôt ses soutiens dans la gauche altermondialiste. En Suisse, le premier à avoir été abusé a été le député socialiste (puis responsable onusien) Jean Ziegler, un fervent tiers-mondiste dont j'apprécie les prises de position. R. tâte le terrain pour intégrer une organisation suisse de gauche, Solidarité, mais on se méfie. Grillé en Suisse, R. vient présenter son livre Les musulmans dans la laïcité en France, ancienne puissance coloniale où la culpabilisation face au racisme anti-arabe marche bien. En 1994, il passe à propos de la 2e affaire du voile à La marche du siècle. Il affronte d'autres intellectuels musulmans qui ne partagent pas son idée que le voile est obligatoire, et Gilles Kepel qui l'accuse déjà de double discours. Mais la gauche l'aime bien car à l'époque c'est Pasqua à l'intérieur, et ensuite il y a l'affaire de son interdiction de séjour qui le place en victime. Certaine ne sont pas dupes, comme Malek Boutih à SOS Racisme. Mais F. retrace un exemple de prise de contrôle réussi par R. à travers la "Commission Islam et laïcité" de la Ligue de l'enseignement à partir de 1997, avec pour alliés Michel Morineau et Pierre Tournemire. Il gagne des relais via des conférences à l'UNESCO, le Cercle Condorcet et Confluences Méditerranées. Les intégristes vont chasser de ces conférences les modérés. Mais la présidente de la Ligue, Jacqueline Costa-Lascoux et d'autres obtiennent en 2000 l'arrêt de la Commission, dans laquelle R. devenait un gourou. La Commission migre au sein de la LDH, dirigé par Michel Tubiana. Les pro-R. y sont en force, avec le soutien d'Alain Gresh, Serge Jakobowicz ou Driss el-Yazami, qui réclame la dissolution de la 14e section antiterroriste de Paris du juge Bruguière. En 2001, lorsque 52 homosexuels sont emprisonnés en Egypte, la LDH sous influence refuse de les soutenir. GIlles Couvreur, de la commission, est persuadé que R. a évolué sur la laïcité, mais c'est ce que ce dernier veut qu'il croit. La LDH parle de remettre sur la table les "modalités d'application" de la loi de 1905. A dix ans d'écart, la conception de R., elle, n'a pas varié. F. s'est fait agresser lorsqu'elle a rappelé ses inspirations, Bana et Qotb. Dans un collogue de la LDH, R. coupe Henri Pena-Ruiz qui fait l'éloge d'Averroes. R. essaie de montrer la laïcité comme une obligation regrettable de séparer conviction publique et privée. La LDH couvre même les dérapages d'imams, comme celui de Clamart et ses saillies antisémites, ou relaie les revendications de porter le voile en classe. Souvenirs de conférence de Tubiana où des femmes voilées entrent progressivement. Avec l'accusation d'"islamophobie", réactivée après l'affaire Rusdie. Activisme de l'Islamic Human Rights Commission, qui fustige la haine contre les talibans et le Hamas, condamnant en revanche Rushdie et Taslima Nasreen. Le contexte de la 1e guerre du Golfe a créé un terreau favorable à l'extrême-gauche. Le terme est popularisé par un observatoire des discriminations anglais en 1993,et repris en 1997 par R. lors de la sortie d'un rapport de Gordon Conway. La LDH soutient des actions contre des auteurs critiquant l'islam, comme Houellebecq, qui subit le procès de quatre associations musulmanes. Parfois à bon droit, mais pr de mauvaises raisons, comme dans le cas de La rage et l'orgueil d'Oriana Fallaci. Des militantes du CRI agressent Samira Belil, marraine de Ni putes ni soumises, qui vient présenter son livre Dans l'enfer des tournantes, sans réaction de la LDH. F. pense que Tirs croisés, qu'elle a publié en 2003, a un peu changé la donne, mais rapporte un débat houleux avec Mouloud Aounit, du MRAP, en novembre 2003. Mention de La nouvelle islamophobie de Vincent Geisser (2003). A la même époque, les cas de refus d'enlever le voile explosent dans les écoles avec le soutien de l'UOIF. On est obligé de créer la mission Debré et la commission Stasi, laquelle fait réaliser l'étendue des atteintes à la laïcité. Un incident montre qu'une militante voilée, Saïda Kada, est sous influence d'un islamiste ayant infiltré le MIB. L'infirmière Nadia Amiri, elle, verbalise la pression que subissent les maghrébines non voilées. La gauche, au départ peu encline à légiférer, change d'avis. R. recrute deux héroïnes, Lila et Alma Lévy, d'Aubervilliers. qui ont quand même des ratés de communication. Plus tard, elle revendiquent le droit au choix d'une société utilisant la lapidation. Pierre Tévanian organise une manifestation de soutien aux jeunes filles et signe une pétition "Oui au foulard dans l'école laïque". Des manifestations de femmes voilées et de militants antiracistes auront lieu. on y trouve le Parti des musulmans de France, fondamentaliste, dirigé depuis Strasbourg par Mohammed Latrèche. Un militant de R., Rachid Benaïssa, tient dans une manif des propos antisémites et homophobes sans réaction de la LDH ou du MRAP. R. participe à la création du collectif Une école pour tous, qui organise une manifestation devant l'Assemblée. Le MIB et la JCR en sont, des élus comme Georges Hage (PCF), Noël Mamère ou la féministe Christine Delphy s'opposent à la loi. La mobilisation est relayée par oumma.com. Delphy sert de caution féministe à R. et tient un colloque avec Gresh et Marina da Silva à Bruxelles pour la journée de la femme. Halima Thierry-Boumedienne y défend l'idée d'un féminisme pluriel qui ne serait pas occidental. Cela contamine une asso comme Les Sciences Potiches. A comparer à la tribune de Wassyla Tamzali, restée en Algérie.
Ch. 3 - L'enjeu altermondialiste.
Même les provocations de R. sont calculées. Sa tribune sur les intellectuels juifs était une manière de reprendre la main parmi les islamistes. Pourtant, R. n'a soutenu la Palestine qu'à partir du moment où le Hamas (issu des FM) s'est affirmé. Il soutient la solution à un Etat, sans doute pour y remettre en cause l'identité juive. R. n'est pas judéophobe, et pas spontanément antisémite. Sa tribune, délibérément ambiguë, permet de polariser et de le victimiser. Le MRAP-Paris annonce peu après la participation de R. au Forum Social Européen, ce qui suscite l'incompréhension d'autres sections. Le Monde Diplo défend R. Valls, Mélenchon et Peillon lancent un appel à la vigilance "Ramadan ne peut être des nôtres", à la différence de Noël Mamère et... de Besancenot. Les intellectuels attaqués, en répliquant, font connaître R. : Alexandre Adler, BHL. Présent au FSE, il est interviewés par D. Mermet. Bensaïd, José Bové prennent sa défense, seule Michèle Desenne d'ATTAC exprime ses réticences. R. investit la gauche altermondialiste en proposant du public à une gauche soutenant la Palestine. Des ponts se créent avec le MIB d'Omeyya Seddik ou JALB, dont les militants sont plus rap et shit que prière. ATTAC résiste bien aux tentatives de séduction, via des cadres comme Bernard Cassen ou Pierre Khalfa. Mais R. va quand même prendre en otage le FSE, et se fait énormément de publicité. ATTAC proteste, tout comme des féministes présentes (Chahla Chafiq, Fatima Lalem, Maya Surduts). Fadela Amara est censurée. Et le noyautage a continué lors des FSL (Forums Sociaux Locaux), par exemple à Montpellier.
Ch. 4 - Jusqu'à quand ?
R. a su se faire protéger à chaque polémique qu'il créait : en Suisse, par les Ziegler quand il fait interdire une pièce de Voltaire ; lorsqu'on essaie de lui renvoyer une citation créationniste, il parle de "citation tronquée", de "procès d'intention". Le parcours de ses ancêtres lui donne l'impression d'avoir connu la persécution. A noter qu'à l'époque de son interdiction de séjour, il a été soutenu par Elisabeth Lévy (!). Des comités de soutien chez les intellectuels se sont souvent montés pour son droit à s'exprimer, en Suisse et en France. Il fascine certains journalistes-clé, comme Pierre Dufresne, rédacteur au Courrier de Genève, ou encore Xavier Ternisien, chargé des questions de laïcité et d'islam au Monde. R. s'en prend à ceux qui tentent de le démasquer : Latifa Ben Mansour, auteur de Frères musulmans, frères féroces, la revue Islam de France, Djenane Tajer, du Monde des religions, Serge Raffy du Nouvel Obs. R. menace de procès ou saisit une petite erreur factuelle qui est censé faire s'écrouler toute la démonstration de son adversaire. Antoine Sfeir, des Cahiers de l'Orient, a été un des premiers à alerter sur le "double discours". R. lui colle un procès où il convoquer ses cautions. Malgré tout, le verdict est dur pour R.
Conclusion.
F. partait avec l'idée d'une pensée autonome de R., mais elle le pense vraiment sous la tutelle de Banna. Elle dresse ensuite un tableau affligeant de la société idéale recherchée par Ramadan, mettant bout à bout ce qu'elle a trouvé dans ses livres. .
Créée
le 26 juil. 2020
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