Il est de bon ton pour les politiques ou les intellectuels de fustiger ce qui a été fait avant afin de ne faire que plus briller leur pierre à l'édifice, mais ici, tout de même, l'humiliation est cinglante : de même que Piketty qui s'est retrouvé être le premier économiste à regarder les déclarations fiscales remontant jusqu'à la Révolution française, Milanovic a regardé les inégalités mondiales et il est le premier à le faire ; à se demander ce que font tous les autres économistes? Bavarder dans les Echos peut-être.
Le fameux graphe de l'éléphant est abondamment commenté et oh surprise, avec la crise de 2008, son ampleur a encore grandi.
C'est ensuite la théorie de Kuznets qui est discuté (elle avance que les inégalités sont faibles dans les pays pauvres, que les inégalités s'accroissent avec l'augmentation des richesses avant ensuite de rediminuer passé un certain pallier de richesse), comme beaucoup de gens de sa profession, l'auteur la réfute pour ensuite chercher des meilleures explications, moment où il fait référence à Piketty.
Ils tombent d'accord sur le fait que les évènements dramatiques (peste ou guerre) réduisent les inégalités alors que la technologie a plutôt tendance à les augmenter (il signale là aussi que ça n'a pas vraiment été étudié, la technolgie est ce qui change le plus le monde, mais ça n'intéresse pas les économistes... facepalm).
Globalement, le monde suit la même trajectoire que celle bien connue des USA, à savoir que les inégalités ont diminué jusqu'aux années 80 avant de repartir à la hausse.
Cette hausse peut se relativiser depuis 10 ans surtout grâce à l'émergence d'une classe moyenne chinoise et indienne.
Point intéressant : historiquement, le monde a suivi globalement la même trajectoire quel que soit les régimes, le fascisme en Italie n'a pas vraiment changé l'évolution et l'Allemagne semble-t-il également (les données y sont plus parcellaires).
Milanovic discute également de l'évolution des inégalités, si elles étaient jadis principalement internes aux pays (devenant donc une bonne vieille lutte des classes expliquant la popularité de l'idéologie marxiste à cette époque), ce sont surtout aujourd'hui les écarts entre les pays qui sont flagrants (Le Pen a donc un bel avenir qui se profile devant elle).
Il tente ensuite de regarder les différents facteurs qui augmentent ou diminuent les inégalités pour l'avenir pour dessiner un avenir plutôt sombre (la disparition des classes moyennes et le financement des campagnes électorales aux USA transformant ce pays en ploutocratie sont commentés par exemple).
En conclusion, bien qu'un peu aride, cette lecture ne permet que de conforter des choses déjà connues par intuition pour quiconque suit un peu l'actualité économique, mais toutes les données y sont bien synthétisées.