Aperçu en librairie et connaissant l'auteur, je l'avais tout d'abord feuilleté, tâté, acheté ... puis études obligent, mis de côté pour me consacrer à un diplôme universitaire sans garantie d'emplois ni de compétences. Conclusion, il aurait mieux fallu que je m'amuse plutôt que de plancher sur un avenir incertain !
Ce livre ou témoignage m'était de prime abord difficile d'accès : amatrice de vin mais loin d'être connaisseuse et trop jeune peut être pour avoir connu l'âge d'or de ces personnages loufoques d'Hara Kiri puis de Charlie Hebdo, je m'avançais en terrain inconnu et miné.


D'abord, les interdits imaginaires associés à cette folle équipe : je me rappelle avoir découvert beaucoup trop jeune la "sexualité" avec Wolinski. Mon grand-père, amateur et copain avec ce dernier m'avait laissé libre accès à sa bibliothèque. Ma mère voyant mes yeux ébahis devant des positions gymnastiques avait compris un peu tard que le coup de la cigogne ne serait plus valable. Ensuite, c'était les hara-kiri planqués dans la chambre de mon frère que je feuilletais sans jamais rien comprendre. Les coups de crayon, les personnages exagérés suscitaient en moi curiosité, peur, voire dégoût. Encore une fois je n'avais pas le droit de les lire, non pas par censure, mais parce que j'étais trop jeune pour comprendre la subtilité et l'œil aiguisé de ces joyeux fanfarons de la vie. Mes parents me les réservaient pour plus tard.
Enfin, je ne voulais pas revivre et ressentir ce que nous avions tous vécu ce mois de janvier 2015... Je voulais être tranquille tout me disant pertinemment qu'étant une jeune femme, il ne m'était pas permis de m'intéresser au vin tant que je n'aurais pas acquis le lexique et le palais d'un professionnel.
Vous l'aurez compris, lire cet ouvrage n'était pas chose aisée ! Qu'en est-il d'ailleurs ?


L'apéritif débute par l'ami Jean Teulé (ouf, ça ne sera pas trop sérieux), un vin rouge clair et sans prétention. Puis on passe directement à un vin tannique mais sans excès, fruité ... tient un vin de Bordeaux ! On découvre alors le récit de vignerons courageux les Descrambe, bravant les préjugés du bio à l'époque du sacro saint du conventionnel et autres produits souffrés, tout en nous relatant leur aventure ponctuée par un climat rarement clément. Les pages roses sont attribuées au bon vivant Dominique Hutin, critique et buveur de vin qui nous offre dans un style littéraire non conventionnel, des chapitres pédagogiques sur le breuvage des dieux. Concis et pertinents sans prétention. Le tout est illustré par les grands : Reiser, Wolinski, Choron, Gébé, Siné et j'en passe.


"Grand cru déclassé" est une traversée de l'histoire de la famille Descrambe qui, avec un culot dingue s'entoure des rois parisiens du crayon. Chaque millésime est ainsi dessiné par la bande. Contrairement aux livres sur le vin, techniques et explicatifs, ce livre se lit comme un roman. On suit une famille vigneronne qui vit littéralement au bon vouloir de la nature. On partage avec eux les tracas du quotidien, les problèmes d'argent, le choix des dessins des étiquettes et surtout les joies comme l'épisode mémorable du baptême du petit Descrambe qui a dû être sacrément béni par la vigne à défaut de curé… C'est jovial, bon vivant, bonne franquette et pas prise de tête. Oui parce que c'est ça, c'est l'histoire d'une famille qui ne cherche pas à rentrer dans le guide Parker ni à se donner du sérieux avec des étiquettes guindées, du style aristocrates nichés dans le Bordelais. On n'imagine toujours pas leur réaction face à des choix d'illustrations, carrément osées et disant ouvertement merde aux autres. Toute la bande de cet ouvrage est là. Ils profitent de la vie, s'amusent, rient de tout et se foutent du quand dira-t-on !


Verdict : Grand cru qui se déguste entre copains ! J'ai appris des choses tout en ayant l'impression d'être invitée à prendre un verre avec eux. Pas de jugements, partage de bons souvenirs d'une époque sans filtres, sans contraintes et joyeuse entrecoupée d'explications. Parfois un peu trop intimiste pour les plus timides ou manquant pour celles et ceux qui n'y connaitraient rien, d'explications plus terre à terre.
Je dis ça mais ce livre n'a pas vocation d'apprendre à déguster ou dénicher les arômes. Il est simplement le récit des Descrambe et ses copains qui ont bousculé la vigne.

LouDlr
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le 13 mai 2019

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