Sur la couverture de Guyanismes, on peut lire le sous-titre "10 nouvelles plus ou moins cruelles de la Guyane d'aujourd'hui". Soyons clairs, c'est plus que moins. Il faut vraiment avoir le coeur bien accroché pour lire ce livre, et il convient de faire des pauses entre chaque histoire si l'on ne veut pas trop déprimer après. C'est le genre de livre où si l'on est dépressif avant de le lire, on est suicidaire après. Et pourtant, cela n'enlève en rien la qualité des ces courts récits.
Ce recueil m'a d'ailleurs beaucoup rappelé celui de Jean-Claude Mourlevat, Silhouette, qui rassemble également une flopée d'histoires abominables sur le fond, mais diablement bonnes sur la forme. C'est le même genre, mais typiquement Guyanais. Et pour cause, l'auteur est un professeur de littérature qui vit et enseigne en Guyane depuis... un bail. On reconnaît les comportements, les habitudes, la vie guyanaise dans toute sa splendeur, et surtout dans toute sa misère.
Il y a un passage où le narrateur explique qu'une voiture a coupé la route à un scooter dans un virage "selon l'usage dans la ville". Eh bien oui, en Guyane, cela semble bien être l'usage, je n'ai jamais vu une voiture ne pas couper un virage. Mais malgré le malaise que j'ai pu ressentir dans ces menues descriptions, dans ces détails empruntés à la vie quotidienne, j'ai eu du plaisir à les reconnaître, sans doute parce que l'auteur les énonce sans émettre de jugement, et surtout pas négatif. On sent que cet homme là aime sa région, et que bien qu'il la voit telle qu'elle est vraiment, avec un regard objectif, il ne la diabolise pas. La Guyane est une belle et cruelle région, vous êtes avertis. Pas de légende dorée dans ce livre.
De mon côté, les nouvelles, ce n'est pas mon truc. Comme avec les bandes-dessinées, je me sens frustrée par ce format court. Un livre qui me tient à peine une heure, c'est trop peu. Réflexion personnelle qui n'a rien à voir, c'est peut-être pour ça que j'aime tant Proust. Bref, j'étais réticente, c'est vrai, mais ces histoires réussissent à se suffire à elles-mêmes pour la plupart. Oui, il y en a pour lesquelles ça n'a pas été le cas, mais pour une majorité, elles n'auraient pas pu être plus longues ou plus courtes, elles sont justes "adéquates".
Ce qui m'a vraiment déçue par contre, indépendamment de l'auteur ou de ses nouvelles, c'est la médiocrité de la qualité éditoriale, à laquelle nous a malheureusement habitués Orphie. Nous avions reçu les livres depuis moins de huit heures qu'ils étaient déjà gondolés comme s'il avaient pris l'eau (alors que la librairie est justement climatisée H24 pour éviter ce genre de désagréments), sans compter la charte graphique pas terrible, que ce soit la couverture ou l'intérieur du livre. L'objet ne rend pas justice à son contenu.