Jacques d’Hondt a manifestement écrit ce livre dans le but de contrer les descriptions fallacieuses de la vie de Hegel. En effet, Hegel est parfois décrit comme un conservateur voire réactionnaire qui se serait avili en servant la soupe idéologique de la monarchie prussienne. Le philosophe serait également un bon bourgeois à la vie bien terne, sans prise de risque, et régnant de manière absolue sur l’Université prussienne. Ces critiques s’attaquent souvent au Hegel devenu professeur à Berlin en l’assimilant à celui qui rédigea alors les Principes de la Philosophie du Droit, ce qui arriva tardivement dans sa vie et dans sa carrière.
De tout cela, l’auteur montre qu’il n’en est rien. Par exemple, décrire les Principes comme un simple éloge de la monarchie prussienne est d’autant plus critiquable que ce texte est écrit plusieurs années avant la nomination de Hegel dans la capitale prussienne. En outre, Jacques d’Hondt fait œuvre d’historien et montre à quel point c’est aller vite en besogne que de considérer Hegel ainsi. Par exemple, d’Hondt rappelle les rapports de forces et les idéologies existantes à cette époque (disons entre 1820-1930, environ) et en ce lieu (Berlin, capitale de la Prusse).
En effet, la proposition politique de monarchie constitutionnelle contenue dans les Principes est déjà une proposition progressiste au regard de la monarchie absolue de la Prusse de l’époque. La cour prussienne serait ulcérée à l’idée de devoir se soumettre à une constitution, à une assemblée… A l’époque, les oppositions politiques se font dans le cadre du monarchisme, et Hegel est bien loin de se situer à l’aile la plus à droite. Il est du côté des libéraux, et Hegel a la chance d’être plus ou moins protégé par un ministre de l’Université relativement progressiste. La cour déteste Hegel et le roi est même jaloux d’une fête qui lui est donnée pour son anniversaire. La pensée développée par le roi correspond aucunement à la vision hégélienne des Principes.
Ailleurs, Jacques d’Hondt démontre que la philosophie hégélienne est tout sauf conciliable avec une vision réactionnaire de la politique. Hegel considère comme absolument médiocre les contre-révolutionnaires, ceux qui veulent retrouver un passé désormais révolu.
L’auteur montre également les liens qu’entretient Hegel avec les plus personnages les plus dissidents de la société dans laquelle il vit ; il en est au moins un sympathisant même s’il ne prend pas nécessairement part directement aux activités subversives. Hegel est tout sauf un vulgaire pantouflard ne prenant aucun risque. Certes, il fait attention à ce qu’il fait et reste prudent, mais il n’hésite pas à défendre activement des jeunes subversifs emprisonnés pour des raisons politiques. D’Hondt raconte comment la police surveille la correspondance des suspects politiques de l’époque, dont Hegel. Ce dernier le sait très bien et s’en amuse tout en prenant les précautions adéquates.
En somme, Hegel en son temps est un bon petit livre pour remettre en les choses en place concernant le rapport du philosophe à son époque dans le but de savoir comment Hegel se situe politiquement dans celle-ci.