Il est des livres qu'il fait bon lire et celui-ci rappelle que la lecture-plaisir n'appartient pas au seul genre du roman. le tout à fait sérieux Histoire de la beauté: le corps et l'art d'embellir De La Renaissance à nos jours nous permet d'apprécier la plume fluide et simple de l'auteur, et c'est avec joie que j'ai pu voir la petite histoire et la grande histoire se rencontrer. Ainsi, les traités de beauté se mêlent à la correspondance, les magazines permettent les comparaisons entre les normes de telle ou telle époque et la publicité confirment une nouvelle manière de penser le beau.
Rapports au corps et entre homme et femme y sont évoqués, mais aussi rapport à l'artificiel. Si au début, la beauté est don divin, elle devient au fur et à mesure des révolutions dans la pensée le résultat d'un contrôle de soi. On passe alors en cinq siècles d'une beauté subie et centrée sur le visage et le buste à une beauté choisie où le corps prend toute sa place. Petit à petit, le corps se personnifie, le mouvement s'autorise et le désir s'affirme. Plus le temps passe, plus on le modèle.
Sans forcément aller plus loin dans le déploiement de la thèse de Vigarello, on constate déjà une évolution lente et significative de la beauté innocente et voulue naturelle du Moyen-âge à celle soumise au contrôle de soi et à l'obligation de correspondre aux canons de beauté actuelle associée à l'idée d'un certain bien-être. Les stéréotypes sont déconstruits au fur et à mesure, notamment le regard posé sur l'obésité ou sur les contours du corps. Grosse surprise, la cellulite n'a posé souci qu'à sa découverte en 1924. le corps s'observe de plus en plus, dans sa vie mais aussi comme reflet de ce que la société attend des hommes et des femmes.
C'est un livre qui continue après l'avoir fermé. Il se prolonge forcément dans le temps et pose la question de la beauté telle qu'elle sera vue tout au long de notre siècle (comment évoluer maintenant?) mais surtout interroge sur notre rapport au corps et à l'esthétique aujourd'hui, sur notre façon de voir le monde et le concevoir. Au delà du corps, c'est la place que l'on se donne qui devient sujet. D'une beauté noble, on passe à une beauté « accessible » donc exigée de toutes et tous. Ainsi, il n'est pas rare d'entendre: « prend une tenue qui te valorise et prend soin de toi pour devenir belle et donc heureuse ». Entre normes, hypocrisie et culpabilité.. bienvenue à notre époque.
A lire, pour comprendre et apprendre. A partager aussi, pour mieux saisir comment nos complexes sont construits, et comment ils traduisent ce que la société attend de nous.