La construction du roman est perspicace, la présentation du noyau incandescent du livre est décalée intentionnellement vers son dernier quart du roman: une histoire d'amour homosexuelle. Les images sont fortes : les débuts sexuels dans un cabanon de campagne, un garçon confessant son homosexualité à sa mère très vieux jeux ; la chasse au plaisir dans un sauna pour hommes ; un malade du SIDA dans une solitude déprimante hospitalisé dans un hôpital public. Enfin, la virtuosité du langage est parallèle à la construction est aux images : C'est une prose très britannique (Colm Tóibín est pourtant né en Irlande), très claire, directe, sans aucun ornement, mais d'une étonnante précision tant dans le mot que dans les concepts. A cela s'ajoute l'intérêt géopolitique et historique: -publié pour la première fois en 1996- Ça se passe en Argentine ! La toile de fond, en effet, est l'époque malheureuse et turbulente qui va de la dictature militaire à Carlos Menem, explorée, sans aucune passion mais avec une extrême lucidité, par un écrivain étranger. Et ce pendant la guerre des Malouines. Le protagoniste s'appelle Richard Garay, un Argentin mais de mère anglaise amoureuse qui gagne à contrecœur sa vie en tant que professeur d'anglais et traducteur. Il noue une relation avec un homme politique et homme d'affaires péroniste qui a des ambitions présidentielles. Par son intermédiaire, il se lie avec un couple américain - des agents de la CIA - dont la mission est de faire en sorte que la transition démocratique en Argentine s'enclenche, mais dans le respect des intérêts de Washington. L'ingérence est flagrante. La sale guerre, les Malvinas, la corruption dégoûtante, le "caudillisme" de la région de "Rioja" d'ou va sortir Carlmos Menem, sont bien présents en fond de toile. "Tout n'est que vantardise et rhétorique de haut vol et rien ne veut rien dire", déclare Garay-Toíbín. Certaines choses, malheureusement, ne changent jamais en Argentine.

L'alternance délicate entre histoire individuelle et histoire collective est un autre des plaisirs que procure ce roman. Mais dans le fond, comme je l'ai dis on est face à une émouvante histoire d'amour (clandestine, c'était une autre époque) entre Richard Garay et l'un des fils du chef péroniste. Et entre eux tente vont se dresser non seulement les conventions sociales, mais l'une des maladies les plus terribles de notre temps.

Chronique de la nuit peut aussi être considéré comme un roman sur le sida. Au même titre que "Avant la nuit " de "Reinaldo Arenas" et "À moi seul bien des personnages" de "John Irving."

HenriMesquidaJr
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le 31 juil. 2022

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HENRI MESQUIDA

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