Un recueil grand format de chez Taschen explorant l'histoire de l'infographie à travers deux perspectives : quelques grands segments temporels et quelques angles d'analyse. Depuis le Moyen Âge jusqu'à la fin du XXe siècle, un panorama impressionnant de cartes, diagrammes, schémas, et autres représentations imagées farfelues pour couvrir une diversité de domaines incroyable, astronomie, cartographie, zoologie, technologie, urbanisme, histoire, etc. La diversité des documents reproduits est tout aussi impressionnante, avec de vieux manuscrits médiévaux, des parchemins au sens obscur (parfois non-déchiffrés), des cartographies manuscrites du cosmos à différentes étapes de la connaissance (depuis le géocentrisme), des cartes extrêmement pointilleuses, en passant de pépites jamais vues à de grands classiques (le planisphère de Martin Waldseemüller, les dessins naturalistes d'Ernst Haeckel, l’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci). Un grand travail de contextualisation est apporté à chaque fois, à l'occasion de quatre grands temps : 1) Moyen Âge, 2) Début de l'époque moderne, 3) 19ème siècle et 4) 20ème siècle. Quelques sections thématiques, aussi : transformation de la connaissance en information visuelle, la représentation de données sous forme de carte, la compréhension des machines, ou encore les infographies de presse. Une exploration assez passionnante qui vaut bien une non-visite de musée par les temps qui courent.
Où l'on découvre qu'on se moquait, déjà au XVIe siècle (1590), de l'essor que connaissait la cartographie scientifique en lien avec les intérêts géopolitiques du pouvoir, avec cette illustration d'un fou du roi coiffé d'un bonnet à grelots dont la face est aveuglée par une carte du monde. Des manuscrits (comme celui de Voynich) rédigés dans une écriture mystérieuse qui n'est toujours pas déchiffrée aujourd'hui, laissant le doute sur l'intention : codage graphique raté ou bien blague vieille de 5 siècles, impossible de savoir aujourd'hui. Les pépites de ce style abondent, avec les fameux dessins gravés en 1972 sur les plaques de Pioneer qui renseignent sur la Terre, dans le cas où elles seraient découvertes par des formes de vie extraterrestre, ou encore des cartes vieilles de 200 ans aussi précises que des cartes modernes de métro, avec les nœuds principaux du réseau postal de l'empire des Habsbourg, ses connexions et les horaires quotidiens des voitures à cheval. On pourrait passer des heures à observer certains de ces documents.
La transmission de l'information par l'image forme dans cet atlas un peu particulier de la connaissance quelques ilots parfois très hétérogènes, avec par exemple des arbres généalogiques royaux du XIXe qui côtoient des plans des fontaines de Paris au XVIIIe et un organigramme des studios Disney au milieu du XXe. Près de 400 documents couvrant un petit millénaire, essentiellement centré sur l'Europe et l'Amérique du Nord. Quelques figures incontournables de l'illustration graphique comme les pionniers Charles Joseph Minard et Florence Nightingale. Bien qu'une trame chronologique structure vaguement le tout, c'est plutôt l'hétérogénéité de l'évolution des modes de représentation qui charpente le propos, avec des contributions de cartographes, bien sûr, mais aussi de statisticiens, de médecins, de militaires, de designers, d'astrophysiciens ou de curieux de passage qui essayaient de communiquer l'information d'une manière différente.
Pépites du Moyen Âge.
Un plan architectural dessiné en 819 d'un monastère complexe qui ne correspond pas à la réalité connue par ailleurs, et interprété comme une méditation graphique, une abstraction théorique sur la communauté monastique telle qu'elle devrait être.
Beaucoup d'arbres généalogiques, centre d'intérêt clairement prédominant, et beaucoup de travaux cosmologiques essayant de décoder la voûte céleste.
Un argumentaire schématisé en 1330, rédigé comme une conception logique du savoir, dans le but de convaincre au christianisme les musulmans et les juifs à l'aide d'un système rationnel, avec pour chaque interrogation / circonspection, une réponse toute prête. Un petit précis de méthodologie prosélyte, en quelque sorte.
Pépites du début de l'époque moderne.
Une carte de 1555 dessinée par un flibustier français, qui comblait les lacunes géographiques du continent nord-américain par des productions issues de son imagination, mêlant vrai et faux dans le même document (conception carrément impensable aujourd'hui).
Des ouvrages cartographiques d'une minutie impressionnante, comme l'atlas Harmonia Macrocosmia de Andreas Cellarius en 1660 qui condense les connaissances astronomiques (et donc avec une vision géocentrique de l'univers) de son époque. Des objets de prestige, aussi, qu'on offrait aux rois. Des gravures pour faire découvrir le possibilité d'une invention technologique, comme le microscope avec des informations sur l'anatomie de choses répugnantes (cristaux d'urine, anatomie des puces).
Une représentation anti-esclavagiste d'un immense navire, en Grande-Bretagne vers 1790, autour du stockage des esclaves sur les ponts inférieurs d'un négrier, impressionnante.
Les premières fois : table de distances entre grandes villes d'Europe, plan du réseau d'eau de Paris, carte minéralogique, tableau poléométrique (cf. les travaux de Charles Louis de Fourcroy), plan panoptique de Jeremy Bentham, carte d'élévations topographiques.
Pépites du XIXe.
En 1849, les cartes servent à suivre l'épidémie de choléra qui gagne le Royaume-Uni, en s'appuyant sur une méthode statistique et de nouvelles façons de visualiser les données. On cherche les agents pathogènes et les facteurs de propagation en croisant les informations (altitude, densité de population, qualité de l'eau, type de canalisation) à une époque où on pensait que le vecteur était miasmique (cf. Le Propre et le sale de George Vigarello).
Une représentation, apparue vers 1800, des plus longs fleuves et des plus grandes montagnes de toutes les régions du monde, au sein d'un tableau imposant à la fois par son approche esthétique et par sa densité d'information.
Premiers détournements satiriques des cartes, à l'occasion de la guerre franco-allemande de 1870, pour marquer les différents acteurs du conflit.
http://je-mattarde.com/index.php?post/History-of-Information-Graphics-de-Sandra-Rendgen-2019