Dans mon fouilli d'anecdotes se cache une critique succinte.

Mes attentes étaient élevées vis-à-vis de cette œuvre, pour des raisons personnelles que je prends la peine de retranscrire ici aux dépends de toute concision.


To say more is to say less.
― Harlan Ellison


J'élucubrerai quand même, pour ancrer concrètement l'origine de mes expectations et démontrer à quoi mon expérience de lecture se mesurait (toutes ces justifications scrupuleuses pour dire que si vous voulez du succinct et du professionnalisme vous repasserez).


Durant mes études j'étais contraint de perdre un certain nombre d'heures par semaine dans de vieux trains traversant les mêmes paysages montagneux au fil des années. La vue déjà répétitive se trouvait en plus voilée fréquemment par un brouillard percé de branches noires, voire était tout simplement obscurcie par la traversée de plusieurs tunnels à la limite du vétuste.
La réaction logique après un certain temps était donc de se replier sur soi-même en bouquinant. Or une de mes confrontations favorites d'alors fut sans doute Anatomie de l'horreur (Danse macabre pour le titre original) : Un essai dans lequel Stephen King traite de l'épouvante des années cinquante jusqu'aux années quatre-vingt, que ce soit dans la littérature, le cinéma, la télévision ou la radio. L'auteur ne tarissait pas déloges sur quelques œuvres dont celle qui nous intéresse ici : Strange wine/Hitler peignait des roses, de Harlan Ellison.


L'analyse de la nouvelle Croatoan m'a rendu avide. Je me suis mis à chercher ce bouquin pour m'apercevoir qu'il n’était plus édité et mes tentatives d'acquisition d'une copie d'occasion se révélaient infructueuses. Même l'anonymat relatif d'Ellison en France (comparé à Bradbury ou à Asimov par exemple) ajoutait à son aura de mystère.


Moins d'une dizaine d'année plus tard je tombais sur un lien me permettant d'acheter une copie numérique du livre en VO. N'ayant alors lu que sur papier je n'avais pas imaginé notre rencontre d'une manière aussi " froide ". Néanmoins, en ayant assez d'attendre, je forçais le destin et expérimentais pour la première fois sur liseuse, interagissant avec un écran lumineux et sobre au lieu d'un vieux livre jauni et corné illustré de cet alien chelou en costard sur la couverture.


Le texte a tout de même transcendé ce rapport aseptisé, comme tout récit de qualité devrait le faire, prouvant que le contenu rivalisait avec son aura de mystère.


Les nouvelles sont à la fois grandiloquentes et subtiles. Les abominations dépeintes sont extrêmes mais les conclusions ou les interprétations ne sont pas servies aux lecteurs sur un plateau d'argent (ni distribuées à coups de batte). Il y a assez d'espace pour que l'on puisse penser et nous faire notre propre idée.
L'humour a aussi une place importante, nourrissant l'irrévérence au lieu de l'affaiblir comme ç'aurait pu être le cas avec une exécution moins maitrisée.


J'ai attribué une part énorme de cet avis au contexte de la naissance de mon désir de découvrir ce recueil, un peu - dans une moindre mesure - comme les gens en font des caisses en abordant le contexte " coolissime " de l'écriture de ce livre par Ellison à la fenêtre de la librairie A Change of Hobbit. Mais le fait est qu'après ma confrontation " épurée " via liseuse, le texte transcende à la fois le contexte de création et celui de séduction.


Un mélange d'horreurs véhémentes et/ou délicates, de poésie et d'humour cinglant. Un vin étrange.

Nhoj
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le 3 mars 2017

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Nhoj

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