Publié sur L'Homme Qui Lit
Qu'il est difficile et douloureusement unique d'accompagner un parent dans la maladie, la perte d'autonomie puis la mort. C'est encore plus difficile dans une famille protéiforme, ou deux femmes ont partagé la vie d'un homme, et où deux fratries se disputent depuis, souvent sans grande sympathie, les faveurs paternelles.
C'est pourtant le dernier né de cet homme, deuxième enfant des amours illégitimes, qui veillera sur lui, l'accompagnera au quotidien et vivra à ses côtés la perte d'autonomie et, pourrait-on dire, l'arrivée des problèmes. Alors que les enfants légitimes passent en coup de vent, donneurs d'ordres, moralistes mais distants, c'est à ce jeune homme terminant de longues études de s'occuper de ce père qui a l'âge d'être son grand-père.
Le quotidien de cet homme qui fut un professeur de médecine passionné, empathique et profondément humain, catholique de gauche, le ramène à des préoccupations plus terre à terre : essayer de se distraire, tenter de communiquer quand la maladie neurodégénérative rend tout si difficile, se mouvoir, s'alimenter, éliminer, et tenter de rester jusqu'au bout un père, un homme digne.
Ce livre, c'est avant tout l'amour d'un fils pour son père mourant, un roman qu'on lit comme un récit, celui de la découverte de ces gestes, de ces soins qu'il faut parfois faire à la place des professionnels. La fatigue, la culpabilité, parfois les regrets, les émotions se bousculent dans ce livre à la justesse impressionnante, qui m'ont ramené deux ans en arrière lorsque, dans une famille heureusement unie, j'accompagnais ma mère dans une situation parfaitement similaire. Un témoignage qui chamboule par sa sincérité et son absence de bons sentiments, félicitations pour ce premier roman.
Ici-bas de Pierre Guerci a paru le 14 janvier 2021 aux éditions Gallimard.