« Il est juste que les forts soient frappés » est un récit drôle, tendre, dramatique, violent, déjanté et d’une maturité profonde qui gravite sans arrêt autour de la mort pour sublimer la vie. Une vraie réussite pour Thibault Bérard qui, après des études littéraires et des vies antérieures de journaliste et d’éditeur, se lance dans l’écriture d’un premier roman.
Le sujet ne brille pas par une grande originalité. L’auteur va nous embarquer dans l’histoire d’un couple entouré d’amis qui se révéleront fidèles dans l’épreuve, tous quelque peu border line. Au centre, Sarah et Théo. Ils s’aiment et attendent un heureux événement mais ils devront, en même temps gérer l’accueil d’un cancer qui, on le sait dès le début du livre, sera fatal pour Sarah, la jeune mère.
Ce qui rend ce livre attachant, c’est la capacité de l’auteur à nous faire rire, pleurer, bouillonner d’espoir, nous attendrir sur les tentatives parfois maladroites mais toujours aimantes de Théo pour soutenir Sarah et sur celles de Sarah pour deviner, soutenir, aimer et respecter les fragilités de Théo au-delà de son masque et de ses fanfaronnades.
SI, d’aventure, le lecteur a déjà expérimenté la complexité de la traversée d’une zone de turbulences lors de l’accompagnement d’un proche happé par une séquestration au sein de l’institution hospitalière, il sourira souvent et appréciera chacune des flèches décochées par l’auteur pour stigmatiser et caricaturer l’ambivalence des pontes de la médecine, tour à tour inhumains et imbus de leur science et profondément humains et protecteurs des patients qui souffrent et de ceux qui patientent inlassablement, espérant, rêvant d’une possible bonne nouvelle trop rare, trop lente à venir.
Enrichie d’une kyrielle de références littéraires, musicales ou cinématographiques, l’écriture reste simple et distille l’histoire tout en finesse et dans le respect de ceux qui subissent l’injustice aveugle qui les frappe de tels malheurs. Car, à mes yeux, le titre de cet ouvrage est un outrage à la dignité humaine. Non, il n’est pas juste que les forts soient frappés ! Oui, Il est horrible de parler de justice à propos du cancer qui frappent les forts sous prétexte que, puisqu’ils sont forts, ils peuvent résister ! C’est là le produit d’une philosophie bancale. « C’est super con ! » dira Sarah et je suis d’accord avec elle.
Mais, au-delà de toutes les souffrances décrites, les frustrations partagées et les espoirs qui trébuchent sur les pierres saillantes du chemin, ce récit est un hymne à l’amitié fidèle, à la foi en un demain à vivre, un espace et un temps d’amour à re-susciter. Un très bau livre à lire et partager.