Richard Ford, auteur américain « culte » selon son éditeur français de l’Olivier. Ce terme a-t-il encore un sens, surtout pour un écrivain qui a besoin de lecteurs pour exister même dans l’ombre. On peut dire d’un musicien de jazz ou d’un groupe de rock inderground sauvés par internet qu’ils sont culte.
Cela dit, Indépendence est un roman important à plus d’un titre.
Il nous plonge d’emblée dans la réalité urbaine post 70’s, avec un style précis digne d’un Steinbeck, et une ironie proche de Salinger, avant de nous faire vivre le quotidien d’un certain Frank Bascombe (personnage également présent dans d’autres livres de Ford).
Ce Frank Bascombe donc est un agent immobilier, divorcé, qui tente de mener à bien plusieurs missions. Vendre une maison à un couple de retraités récalcitrants, garder le contact avec une nouvelle petite amie bohême, et enfin emmener son fils de 14 ans en week-end afin lui "transmettre quelque chose ». Cette dernière mission lui imposera de rencontrer à nouveau son ex-femme, ainsi que l’homme qu’elle a épousé, et qui ne plaît pas du tout à Frank Bascombe.
On a dit de Richard Ford qu’il ne cachait pas une hostilité même ironique envers les conservateurs américains. Pourtant, dans ce livre, le personnage principal a certes des convictions mais il ne parvient pas à les mettre en pratique.
Il croit pouvoir vendre une maison aux Markham en jouant sur ses talents de vendeur, mais également sur ce qui relève pour lui du pragmatisme nécessaire. Or, l’homme du couple s’avère intraitable et « vissé sur son fauteuil comme un astronaute près à être envoyé sur la lune ».
Frank Bascombe n’arrive pas non plus à convaincre son ex-femme qu’elle doit lui laisser une seconde chance ; le passage de l’appel téléphonique dans une aire de repos est particulièrement drôle.
Enfin, notre héros progressiste, farouche opposé à Reagan et Bush père, se retrouve incapable de communiquer avec son fils lors d’une virée sur les routes américaines.
"Indépendance" traite également des questions raciales, parfois avec humour et parfois sur un ton beaucoup plus sérieux voir dramatique.
En ce qui concerne la forme, le style de Richard Ford ne se veut pas forcément moderne, mais il cherche à montrer l’influence de la vie moderne sur les rapports humains. Ainsi la langue de l’écrivain témoigne des transformations survenues à une époque donnée et de leurs répercussions sur les rapports humains.
En résumé, Independence est un grand livre, témoignage humble mais lucide sur les Etats-Unis, ainsi qu’une réflexion sur la capacité de mettre en pratique les principes auxquels on croit.