Irina, 12 ans, se débat dans le rôle de petite fille modèle que tout le monde semble lui avoir attribué. Elle aimerait être autre chose qu’une caricature d’elle-même placée sous le signe de l’excès : ses chaussures sont trop petites pour son âge, ses cheveux trop longs tentent de l’étouffer la nuit et elle se sent le devoir de s’inventer de fausses peurs pour que son écrivain de père conserve l’illusion d’avoir devant lui la petite fille parfaite qu’il a sublimé dans ses livres. Son nouveau voisin, Bernard – ovni pré-adolescent qui ne connaît même pas la célèbre série des Irina – pourrait bien être la clé de son émancipation, si seulement il n’était pas si bizarre… Elevé par son frère aîné depuis la mort de ses parents, Bernard cultive un goût certain pour l’excentricité, se donnant l’allure d’une rockstar aux inspirations mémé chic. Vissé à ses lunettes noires en toute occasion (pour le côté mystérieux conféré par l’objet), ses danses désarticulées et frénétiques projettent des ombres qui traversent la cour et parviennent jusqu’à Irina…

Récit d’une affirmation hésitante, Irina vs Irina expose sans détours le dilemme de son héroïne, tiraillée entre la volonté de ne pas blesser son père et son envie de vivre pour elle-même sans se soucier des autres. Elle a grandi et n’est plus la petite fille dépeinte dans les livres pour enfants de son père, mais l’émancipation est douloureuse et sa conscience de la peine qu’elle pourrait causer la tétanise et l’empêche d’agir.

D’un postulat grinçant et somme toute peu propice à la comédie, Jakuta Alikavazovic tire un roman à l’humour acéré où curieusement, les plus matures ne sont pas ceux que l’on croit… Frère dépassé faisant son possible pour surmonter le deuil de ses parents, mère absente, père ne vivant qu’au travers de son art ou tante quasi hystérique espérant vivre sa passion avortée par procuration en l’imposant au cobaye dont elle dispose à portée de main ; les adultes qui entourent les deux principaux protagonistes ne sont pas présentés sous leur plus beau jour.

Lucides et cyniques, Irina et Bernard s’échappent des contraintes imposées par leur entourage grâce à la relation qu’ils entretiennent. Le ton du roman permet une appropriation par les lecteurs de tout âge, d’autant plus que viennent se greffer des références délectables qui parleront aux plus grands (oui dans un roman jeunesse on peut trouver un protagoniste fasciné par la transe épileptique de Ian Curtis, renommée pour l’occasion danse de la mouche morte).
Nocturne
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le 30 mars 2013

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Nocturne

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