Pour les gens de ma génération qui développèrent leurs goûts musicaux au début des années 70 en lisant Best, Extra et surtout Rock & Folk (seule revue survivante de cette "grande époque" de la critique rock hexagonale), le nom de Philippe Paringaux resplendit tout là haut au firmament, parmi les "passeurs" essentiels à notre culture, avec ceux de Yves Adrien ou Philippe Garnier. Relire ses textes parus dans Rock & Folk s'aparentait donc pour moi à une "madeleine de Proust"... sauf que, comme chez Proust en fait, le goût de cette madeleine est bien décevant, voire parfois même rance. Étions-nous donc si peu éduqués à l'époque que nous nous émerveillions devant des textes aussi maladroits, tant formellement - même si l'écriture de Paringaux progresse formidablement au fil des années - que conceptuellement ? C'est l'hypothèse que je préfère retenir, celle du développement de nos propres goûts, de notre compréhension du Rock et de ses caractéristiques, en parallèle avec notre culture littéraire... tandis que Paringaux lui-même passait à autre chose - les scénarios de BD en particulier - où son talent allait véritablement s'épanouir. Ainsi ces fameuses "Bricoles" qui nous enchantaient à l'époque paraissent désormais bien artificielles, maniérées, creuses même : l'intérêt de les relire est qu'on y trouve les prémisses du travail bien plus notable de Paringaux avec Loustal, qui donnera naissance à de véritables réussites littéraires du neuvième art. Bien plus décevante encore est la relecture des textes "musicaux" de Paringaux : on réalise bien vite combien ses analyses de la musique des artistes phares de l'époque sont basées sur des intuitions personnelles - en une époque où l'absence d'Internet signifiait une opacité (aujourd'hui bien oubliée) des intentions de ces artistes ainsi que des techniques utilisées. Le résultat est souvent accablant quand a posteriori on réalise la maladresse, voire l'inexactitude des "insights" de Paringaux : on frise même parfois le ridicule tant sont nombreuses les affirmations naïves sur des groupes ou des artistes dont on connaît mieux aujourd’hui les motivations et le mode de fonctionnement. Le pire reste néanmoins le manque d'ouverture de Paringaux aux nouvelles tendances musicales (la manière dont il se plante sur Bowie par exemple montre les limites de sa compréhension de l'évolution musicale), et combien il tourne rapidement en rond entre 4 ou 5 passions bien limitées qui sont les siennes (Beatles, Stones, Led Zep, Who...) : dans ces conditions, il n'est pas étonnant que Paringaux se soit retiré aussi rapidement de l'arène de la critique rock, un monde pour lequel il n'était pas forcément prêt ni même réellement motivé ! Je suis donc sorti de la lecture - extrêmement décevante - de ce "It's only Rock'n'Roll et autres Bricoles" en me disant que, quelque fois (souvent ?) il vaut mieux laisser le passé dormir tranquille dans notre mémoire : ce que nous chérissions alors, dans notre ignorance et notre innocence, se révèle souvent aujourd'hui une amère déception. [Critique écrire en 2017]

EricDebarnot
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le 31 août 2017

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Eric BBYoda

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