La rentrée littéraire sur les radios de l'Arc jurassien
L'histoire ne dure que 5 heures. Cinq heures durant lesquelles Coupland décortique la vie de 5 personnages dans un bar de l'aéroport de Toronto. Chaque heure est vécue à travers chaque personnage, comme projetée à travers un prisme dont on pourrait voir simultanément toutes les facettes.
Dans l'ordre il y a :
Karen, la mère célibataire, qui est venue rencontrer son rendez-vous Internet, dans le secret espoir de finir au lit.
Rick, le barman, qui attend de rencontrer Leslie Freemont, sorte de prédicateur moderne à qui il va donner 8500 dollars pour vivre une renaissance.
Luke, le jeune prêtre désabusé, qui a quitté son Eglise en fauchant la caisse.
Rachel, la fille sublime dans son tailleur Chanel, qui a des lésions de type autistiques au cerveau et qui élève des souris dans son garage.
Et Joueur_1, sorte d'avatar pixellisé et omniscient qui connaît déjà la fin de l'histoire et nous recadre entre chaque scène.
Durant ces 5 heures, les personnages de Coupland vont vivre intensément, grâce à quelques éléments perturbateurs : l'inflation radicale du prix du baril de pétrole, qui crée une panique générale, l'apparition d'un sniper-fou qui les empêche de sortir du bar, et l'arrivée d'un nuage chimique mortel. Face à cette vague d'éléments apocalyptiques, Karen, Rachel, Rick et Luke vont tenter de trouver des solutions de survie et se rapprocher très rapidement, se confier leurs peurs, leurs désirs.
Avec Joueur_1, Coupland nous livre une histoire de fin du monde, entre jeu vidéo et réalité.
Il dépouille les scènes de tout ce qui est encombrant : le décor, les explications inutiles, les descriptions interminables, tout cela n'apparaît pas. Il se focalise sur les questions importantes qui le taraudent depuis plusieurs ouvrages : la foi, l'humanité des gens dans une société ou l'on devient un numéro, et la finalité de tout ça, si on a réellement un but ou si on est uniquement là pour que nos cellules puissent continuer leur parcours évolutif à travers les gènes et l'histoire.
La question reste ouverte, tout comme cette déshumanisation du genre humain, où la virtuellisation de nos rapports devient la norme et où plus personne ne se pose de question sur rien. Coupland nous livre une histoire étonnante et à double-sens, dans laquelle il est difficile de se projeter, mais qui renforce son propos sur la perte de la dimension humaine.