La sensibilité d'un militaire
J'aime bien la librairie Nijinski de Bruxelles. Le présentoire est souvent changé, et les thématiques de rangement permettent de découvrir des choses hyper intéressantes ou au moins de feuilleter les bouquins mis en avant. Puis il y a cette table des inclassables où je trouve régulièrement des trucs sympas. Malheureusement ces bouquins sont assez cher malgré que ce soit de la seconde main (mais à juste titre, les éditions sont belles, l'état est correct). Du coup, ce n'est pas souvent que je cède au plaisir d'acheter des bouquins de cette catégorie. Mais là c'était plus fort que moi. Un journal intime d'un lieutenant qui raconte sa difficulté à vivre à la caserne quand il ne pense qu'à une chose : lire et écrire. Je m'attendais à quelque chose de nombriliste, mais en feuilletant le livre je savais qu'au moins le personnage n'était pas un prétentieux.
Ce livre est assez inégal. Normal. L'écriture occupe 10 années de vie. Dont une interruption de 4 années. Et puis Harry laus y fait ses premières armes. Ainsi les premières années sont intéressantes mais redondantes et, comme il le dit lui même, il ne se passe pas grand chose : il passe plus de temps à donner son avis sur des bouquins qu'à vraiment raconter quelque chose. Mais petit à petit on en sait plus sur lui, on en apprend plus sur ses amis, ses nombreux déménagements. Le bouquin est assez triste en soi car les 3/4 sont des plaintes de l'écrivain. Plaintes envers son inaptitude à écrire, plainte envers la perte de temps dans la caserne, le manque d'amis, le manque de moyens.
J'ai apprécié ces plaintes, c'est un peu comme harvey Pekar qui se plaint de tout dans ses BD. Je regrette simplemet qu'il n'y ait pas plus d'éléments. Lorsqu'il reprend l'écriture de son journal en 1958, il se montre plus généreux en détails personnels, il se passe plus de chose. Seul regret, entre temps, il a été publié et on sent bien au début de cette reprise qu'il veut 'bien' écrire son journal intime. Si bien qu'on perd en spontanéité et en sincérité. Heureusement, très vite, l'écrivain revient à un ton plus personnel, plus honnête.
Dans l'ensemble j'ai trouvé le livre plus que satisfaisant. Mais j'ai été déçu finalement du peu de détails sur ses tentatives de se faire publier. Il dit qu'il glande beaucoup. Ce que je peux comprendre. mais les moments où il agit auraient pu être racontés en détails. De même, sa vie à la caserne manque aussi d'anecdotes. A part s'en plaindre il n'explique que rarement les évènements qui s'y déroulent et c'est bien dommage.
Il y a des annexes en fin de livre. Je pensais qu'elles seraient un peu superficielles. En fait, je crois que c'est dans ces extraits qu'on en apprend le plus (proportionnellement parlant). Beaucoup de données personnelles sont ajoutées, des lettres, des anecdotes autobiographiques permettant de mieux situer le personnage (il faut attendre ces annexes pour enfin aborder sa sexualité mentionnée dans la préface).
Quant à l'écriture, comme dit plus haut, il y a cette volonté de bien écrire lorsqu'il reprend son journal en 1958. Mais à part ce changement de ton malvenu, on peut constater globalement une amélioration de sa prose ; l'auteur se montre ainsi de plus en plus agréable à lire. Ses tournures de phrase sont plus simples, plus efficaces.
Enfin, le dernier intérêt du livre réside dans les nombreuses références que fait Harry Laus. Il offre ici beaucoup de critiques et autres commentaires sur des livres ou des films vus, et pour tout amateur dans ce médium tel que moi, c'est une aubaine. Je sais maintenant que je dois essayer de lire du Rilke, du Lorca, du Gide, ...
Bref, Journal absurde est un livre à part dans ma bibliothèque par sa nature. Lire la vie de quelqu'un au jour le jour est quelque part du voyeurisme conscendant. Ca m'a plu parce qu'au contraire de ce que la télévision offre, nous avons droit à explorer en profondeur la vie d'un homme. Ca reste donc un ouvrage très agréable à lire et que je recommande.