Ce livre raconte un rêve. Celui, bien longtemps considéré comme impossible à réaliser, de voler. Depuis l'antiquité au moins, dans le mythe d'Icare, jusqu'aux projets visionnaires de Léonard De Vinci et au-delà, ce désir a habité l'homme. Peut-être parce qu'il pensait que dans le ciel demeurait les dieux qu'il voulait égaler, ou bien plus simplement parce qu'il jalousait les oiseaux. Toujours est-il qu'il n'existe aucune civilisation, aucune culture où le rêve de voler ne trouve pas sa place sous une forme ou une autre. C'est un désir en quelque sorte éternel, et sous certains aspects une définition du genre humain.

Voilà ce qui ressort de ce splendide mais hélas bien trop court ouvrage de Katherine S. Williamson : le rêve comme moteur essentiel du progrès technologique, et donc – par extension – des bouleversements sociaux ; car en dépit de ce qu'en pense certains idéalistes peut-être un peu trop focalisés sur le spirituel, ce qui ne constitue en aucun cas un jugement de valeur, les technologies ont toujours été, sont encore, et resteront toujours un facteur d'évolution des sociétés : il en est ainsi depuis qu'on a appris à tailler des silex... Et, dans le cas qui nous occupe ici, c'est de voir comment ce rêve a su triompher des formidables défis techniques indispensables à sa construction qui s'avère le plus fascinant.

Quand on sait que les premiers à quitter le sol à bord d'un plus lourd que l'air étaient de simples fabricants et vendeurs de bicyclettes, on reste songeur. Ces deux frères étaient-ils si géniaux que ça, ou bien le problème était-il en fait aussi facile à surmonter ? Un peu des deux, certainement... À moins qu'ils aient été obsédés par ce rêve de s'affranchir de la gravité pour évoluer dans le ciel comme des oiseaux entièrement libres de leurs mouvements ; l'esprit se montre souvent capable de miracles, toute l'Histoire en témoigne – de même que la psychiatrie d'ailleurs. Et puis on sait bien que les inventeurs se montrent toujours un peu fous : comment pourraient-ils penser l'impensable sinon ?

Bref, outre un panorama sommaire – même si tout aussi instructif que fascinant – de l'aube de l'aviation, cet ouvrage nous démontre, au moins implicitement, que les plus grands défis techniques peuvent toujours être surmontés – même s'il faut à cet effet disposer du grain de folie nécessaire, ainsi que d'une bonne dose de patience : des millénaires de progrès furent nécessaires pour gagner celui-ci après tout. Voilà ce qui se dégage de ce livre en fin de compte : sans rêves, sans désirs, aussi délirants soient-ils, il n'y a rien ; les rêveurs comme les insatisfaits, les fous comme les poètes restent les plus à même de faire évoluer le monde, de le transformer.

Ce que, du reste, on sait depuis longtemps, mais c'est là le genre de rappel qui mérite d'être répété – surtout par les temps qui courent où un certain conservatisme aux nets relents d'archaïsme empuantit l'atmosphère... Et d'autant plus que, dans le cas précis de cet ouvrage, le rappel se trouve très abondamment illustré par des photographies, des réclames et des œuvres d'art d'époque dont le charme suranné a ce petit quelque chose d'inestimable.

Pour les amoureux d'avions anciens comme pour les nostalgiques d'antan, ou plus simplement les curieux quant aux origines de l'aviation moderne, ce livre sera un enchantement.
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le 8 mai 2011

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