L’amour après c’est un récit touchant empli d’humanité et de profondeur d’âme. Prenant, bouleversant, il vous attrape le cœur pour le serrer dans un étau.
Il y a une très belle chronologie dans le temps, une dame âgée relit sa vie à l’aide d’une valise qui contient tous ces souvenirs perdus. Des mémoires d’amours passés. Elle commence par raconter ses premières relations avec les hommes, les premiers hors des camps de concentration qui lui témoignent de l’affection. Plus qu’elle n’en a jamais connu jusque là elle s’abandonne avec presque le premier venu pour « vivre », se sentir libre et sans contrainte. Une façon d’oublier et de reléguer derrière elle l’horreur de son adolescence. Le baume chaleureux de l’affection pour panser l’âme meurtrie.
Au fil des années elle s’assagit de cette consommation immodérée. Alors qu’elle pense que le calme d’une vie simple, d’un mariage sans amour mais avec un homme gentil saura gommer l’horreur du passé, elle découvre qu’elle a une soif de connaissance. Elle veut plus, rattraper ce qu’elle n’a pas pu apprendre pendant sa jeunesse à cause de la guerre. Elle souhaite entreprendre quelque chose de concret, de palpable, qui émotionnellement ou psychologiquement agite la population. Faire bouger ce qui dérange, agir en conséquence. Un amour de la culture et de ce qui l’entoure.
Envoyant balayer cette vie conjugale dans laquelle elle ne s’est finalement jamais reconnue, elle entreprend une nouvelle vie. Femme libre et libérée elle nous embarque au gré de ses voyages avec les différents hommes qui auront gouvernés son vécu.
L’amour après c’est prendre conscience de son refus de l’amour, du désir, du plaisir. Comment l’accepter après être revenue de là d’où on ne revient pas? Ce serait comme se remettre à vivre tranquillement après une agression. On se sent coupable.
L’écriture de ce témoignage est entrecoupée de vieilles lettres pleines de sentiments. L’amour et la passion sous tous les angles, cajoleur et destructeur. Il faut également remettre les événements dans leur contexte puisque cette pauvre enfant au sortir des camps s’est vue poussée par sa mère à se marier vite et bien pour « poursuivre le court normal des choses ». Mais comment vivre normalement après avoir vécu l’horreur? Il faut pouvoir se reconstruire, laisser le temps apaiser l’angoisse et la souffrance. On ne peut pas toujours suivre le chemin classique établi par et pour tous. Il faut parfois une vie entière pour faire les bonnes rencontres, une maladie pour prendre le temps de relire notre frise chronologique et avouer les erreurs commises, les choix qui ont tout changé, les mensonges, les souvenirs de décennies parcourues. Tout cela pour apprendre à accepter de vivre tout simplement, réaliser la valeur de son existence.
Sur fond Parisien, Lorrain et d’un climat où la guerre n’est jamais vraiment loin (Chine, Iran) on accompagne une femme à travers ses mémoires et sa découverte de l’amour. L’amour qu’elle va se donner à elle-même après avoir appris à ne plus exister dès l’âge de quinze ans. Un grand moment d’émotion.
https://cenquellesalle.wordpress.com/2018/06/17/lamour-apres/