"Il fait beau à jamais. Un immense bien être me submerge.
'J'aime la vie', dis-je à la balustrade de fer forgé peint en vert.
Assis sur le banc, je vois les quais à travers les volutes du métal.
Juste au dessus de cette balustrade, parallèle à elle, à ma droite, le pont du 21-avril. Une grue cache presque entièrement le Christ-Roi érigé sur l'autre rive - la Oultra.
Je vais partir, je crois, pour une extrémité. Le bout du vieux continent. Le cap Saint-Vincent.
Saint Vincent, torse nu, la taille ceinte d'un pagne qui moule son sexe et le met en évidence, appuyé nonchalamment contre un pilier noir. Une auréole veinée d'or surmonte ses cheveux. Il a le corps offert, légerement vrillé sur lui-même. Qu'est-ce qui le distingue, après tout, d'un gigolo de n'importe quelle ville du monde, appuyé contre un mur, une porte cochère ou un panneau de signalisation, contenant à grand-peine la violence, la tendresse et la frontière de l'une à l'autre, cette ligne mince, ce hamac où je voudrais m'endormir à jamais.
Si j'en rechappe, si je sors du bagne, gracié par Dieu, la science ou je ne sais quelle loi du profit, je vous promets de vous le faire savoir. Et si de mon bagne les portes s'ouvrent, je vous avertirai. Je vous inviterai. Nous ferons une grande fête, tous ensemble. Et ensuite, je partirai, une fois de plus.
Ce sera un jour comme aujourd'hui, lumineux, envahi de désirs et de corps offerts.
Je partirai et vous n'entendrez plus parler de moi. Je serai à vous : vivant.
Je trouverai bien un cargo, une jungle, une guérilla, une arme automatique, une cause perdue, une fille, un garçon, une autre maladie."
Parce que ce passage est beau, puissant, déchirant, érotique, exotique.
Parce que c'est un cri de vie et de liberté.
Parce qu'il me donne envie de vivre, tout simplement.