L'Appel de Cthulhu : Les Masques de Nyarlathotep par Anubis Vlad Tepas

Un an et quinze séances après le début de la campagne, notre groupe vient de quitter sa quatrième destination et retourne à la troisième, qu'il avait un peu vite bouclée. Nous en sommes donc à la moitié de la campagne, et en tant que MJ, je commence à voir comment va se dérouler le reste.


** Avertissement
Cette critique n'est pas complètement spoiler-free. Si vous souhaitez vous épargner tous les détails de la campagne, évitez de lire ce qui suit.**


Qu'en est-il donc de la mythique campagne des "Masques de Nyarlathotep" et surtout, de sa version remasterisée par les éditions Sans Détour ?
Mise en situation : ces six dernières années, j'ai masterisé la campagne de Tian Xia (Qin) et des Cinq Soleils (Pavillon Noir, première partie uniquement). Ces deux-là sont inoubliables parce qu'elles sont centrées sur une intrigue forte et des PNJ en haut en couleur. "Les Masques de Nyarlathotep" fonctionnent complètement différemment, sur un schéma rôlistique plus ancien qui comporte autant d'avantages que de désavantages par rapport à ce qu'est devenu le jeu de rôle au fil des ans.


La lecture de cette campagne m'a fait peur, pour plusieurs raisons :



  • La trame scénaristique est faiblarde. Les auteurs ont choisi le dieu potentiellement le plus "humain" du Mythe pour en faire un "Dieu du Mal" classique, proche des grands méchants de série B. Du coup, les PJ prennent la posture de héros (de gré ou de force), qui doivent sauver le monde d'un démon ricanant ayant à sa botte des dizaines de milliers de séides. La seule touche d'originalité vient de l'expédition Carlyle : découvrir le destin et le rôle de chacun des membres de l'expédition rehausse l'intérêt de l'intrigue du côté des joueurs.

  • La campagne ne présente aucune gestion du rythme, celle-ci étant laissée entre les mains du MJ. Un meneur de jeu peu attentif risque de vite blaser sa table en étant trop mécanique : 6 destinations, chacune a son culte (ou sa branche locale d'un culte international) avec ses deux/trois rites spécifiques. Les PJ débarquent, découvrent les cultistes, trouvent l'emplacement des rituels et font tout pour empêcher l'évènement spécial du coin avant de partir à la destination suivante. Pas très stimulant…

  • Du texte a été rajouté au fil des éditions, et ça se ressent. Parfois, on a l'impression de faire de l'archéologie tant les différentes "strates" sont palpables. L'exemple le plus frappant est cette scène, tirée des précédentes éditions et décrite entièrement, avant d'être rabrouée par les auteurs de la dernière édition. Évidemment, certaines incohérences naissent de ce fait et il n'est parfois pas facile de s'y retrouver.


J'avais donc pas mal d'appréhension avant de lancer la campagne, en dépit de la réputation mythique dont elle bénéficie. En jeu, cette appréhension s'est révélée majoritairement justifiée, mais certains bons points ont également émergé.



  • La répétitivité n'est pas trop lourde du côté des joueurs. Certes, à raison d'une séance toutes les trois semaines, ils n'ont pas vraiment le loisir de s'emmerder. Il en faut néanmoins plus que ce que j'imaginais pour blaser une table de rôlistes : la répétition "destination-culte-rituel" est éclipsée par la variété des lieux proposés par la campagne. Après tout, chasser / être chassé par une horde de cultistes au milieu d'une jungle n'a rien à voir avec une enquête feutrée dans une capitale européenne...

  • La campagne offre une formidable boite à outils. En fait, chaque lieu est décrit avec ses indices, ses protagonistes et quelques idées de scènes qui peuvent s'y dérouler. Tout le reste - le "liant" - se crée selon la volonté du groupe. Ca change des campagnes où le MJ doit sournoisement orienter ses ouailles dans la direction voulue par le scénar ! Ici, les joueurs mènent leurs actions de leur propre chef et en assument les conséquences.

  • En contrepartie du fil rouge idiot, le côté "aventure pulp aux quatre coins du monde" marche vraiment bien, et sans exiger d'efforts excessifs de la part du MJ : présenter les informations contenues dans les ouvrages suffit à insuffler de l'exotisme. Et c'est la marque d'une campagne qui réussit son coup.


En définitive, "Les Masques de Nyarlathotep" sauce "Sans-Détour" est une campagne qui m'a surpris : en mal sur le papier, en bien dans la pratique. Prochain arrêt, une fois Nyarly expédié : les Oripeaux du Roi...


EDIT : Je me rends compte que j'ai oublié de parler de la mise en page et de la qualité du matériel. C'est simple : "Sans-Détour" a mis les petits plats dans les grands en offrant une grosse boite regroupant huit livrets : un pour introduire la campagne, un pour chaque lieu et un dernier regroupant toutes les nombreuses aides de jeu. Les illustrations sont présentes, chaque PNJ important a droit à une photo "d'époque". Chaque lieu est dûment décrit, avec des informations pratiques. Bref, là-dessus, c'est un sans faute !

Anubis-Vlad-Tepas
6

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Jeux de Rôle

Créée

le 4 juin 2013

Modifiée

le 14 nov. 2013

Critique lue 1.9K fois

4 j'aime

2 commentaires

Critique lue 1.9K fois

4
2

D'autres avis sur L'Appel de Cthulhu : Les Masques de Nyarlathotep

Du même critique

Dark Souls
Anubis-Vlad-Tepas
5

Critique de Dark Souls par Anubis Vlad Tepas

« Dire du mal de Dark Souls, c’est commettre l’hérésie de ne pas savoir savourer le vrai défi vidéoludique et les hérétiques en puissance qui n’apprécient pas le jeu n’ont qu’à baisser la tête et...

le 12 déc. 2012

44 j'aime

27

Mass Effect 2
Anubis-Vlad-Tepas
4

"OMFG, Un doigt... regarde, un doigt !"

Difficile d'entamer une critique sévère de Mass Effect 2 quand on sent la pression du regard des rôlistes qui se posent sur soi. Pourtant, le fait est que je me sens obliger de... de... dénoncer...

le 13 déc. 2010

17 j'aime

5

Thief
Anubis-Vlad-Tepas
6

Thief, en mode BigMac : pas dégueulasse, pas très bon non plus, mais effectivement décevant

Une bonne partie des critiques jusqu'ici ont été postées par des fans de la licence. En tant que tels, ces derniers sont particulièrement remontés contre les errances de gameplay de ce reboot...

le 6 mars 2014

11 j'aime

3