Voici un roman comme je les aime et comme j’aimerais en lire plus fréquemment. En effet, l’auteur
confirme de grandes qualités de conteur après son premier roman intitulé : "Opération coucou".
Loin de chercher à montrer toute l’entendue de son talent d’écrivain, Michel Colaciuri se met servilement au service de l’histoire. Il la façonne et la modèle tant et si bien que celle‐ci finit par devenir autonome ; le lecteur n’a plus qu’à se laisser porter vers des destins, que fort heureusement, il ne connaîtra jamais dans la vie réelle.
Que savons-nous vraiment de ce que fut la vie des premiers pilotes de chasse, de nombreuses nationalités, lorsqu’ils défendirent l’Angleterre contre l’invasion nazie et permirent à l’Europe de l’Ouest de demeurer libre à la fin de la seconde guerre mondiale ? Quelles furent les conditions de leur engagement, leurs conditions de vie ? Évidemment, si le premier des dangers était les combats aériens eux‐mêmes, les défaillances techniques, la peur, la fatigue et le stress tinrent un rôle déterminant dans la destinée de ces hommes – souvent extrêmement jeunes.
Grâce à une saisissante érudition, l’auteur parvient à nous donner l’impression que ces personnages vécurent réellement et que nous eûmes l’heur de les rencontrer en chair et en os à commencer par son héros : François Berthier. Ce dernier est un pilote de chasse français qui, parce qu’il est né coiffé et parce qu’il est un mari aimant et un père attentif, décide de rejoindre l’Angleterre sans attendre que le gouvernement français ne demande l’armistice à Hitler et à ses séides. Il refuse, tant que ses moyens le lui permettent, d’abandonner la lutte et de laisser sa famille connaître les atrocités d’un régime totalitaire, les ignominies d’un régime ouvertement xénophobe, eugéniste et sanguinaire. Avoir des principes est chose aisée, les incarner nécessite, en revanche, de trancher des nœuds gordiens et de surmonter de cruels dilemmes.
Ce n’est pas le moindre mérite de l’auteur que de parvenir à chatouiller la conscience du lecteur, en pyjama au fond de son lit, sans pour autant sombrer dans le discours grandiloquent ou la leçon de morale. Qu’aurais‐je donc fait à la place de François Berthier si mon épouse m’avait supplié de ne plus risquer ma vie ? Certes, il s’agit là d’un thème, somme toute, assez classique dans la littérature de guerre. Aussi, Michel Colaciuri enchâsse‐t-il une seconde intrigue dans la première. Que se passerait‐il si François Berthier tombait amoureux d’une autre femme lors de sa carrière militaire en Angleterre ?
Non ! L’histoire ne bifurquera pas vers une épopée amoureuse ou vers une romance bon teint, notre auteur est bien trop intelligent et trop subtil pour cela. D’ailleurs, je mets au défi quiconque de deviner, avant la dernière ligne, de quelle manière se dénouera l’intrigue !
La guerre et le danger n’annihilent pas les relations sociales, les tensions, les conflits d’intérêt, la jalousie : sans doute les exacerbent-ils ? Le mince vernis de la civilisation ne risque-t‐il pas de craquer ou de se refermer sur nos protagonistes et ainsi les transformer en des êtres aussi vils que la barbarie qu’ils entendent combattre ?
Ne comptez pas sur moi pour répondre mais précipitez‐vous toute affaire cessante sur le livre de Michel Colaciuri.
Pour être juste et ne pas donner l’impression d’être honteusement soudoyé par l’auteur pour rédiger cette chronique, je dois apporter deux nuances :
‐ L’auteur ne réussit pas à me faire partager la peur des aviateurs lors des combats aériens. Probablement parce que lui-même ne l’éprouva jamais (ouf !) ;
‐ La longueur des chapitres me gêna parfois. Difficile, de temps à autre, de trouver le bon endroit pour faire une pause naturelle dans le récit.
Pour conclure, je souhaite non seulement lire de nombreux autres romans de Michel Colaciuri mais aussi que le succès soit au rendez‐vous et aille crescendo.