Pour son premier roman Michel Colaciuri donne vie à une uchronie digne fille des amours illégitimes d’Alexandre Dumas et de Pierre Ponson du Terrail. Œuvre au souffle épique, ce roman s’inscrit dans la filiation d’Alexandre Dumas par la capacité de l’auteur à insuffler un univers imaginaire à la fois raffiné et vivant dans le carcan d’événements historiques connus de chaque personne intéressée par la Seconde Guerre Mondiale, sans en apparence, martyriser la rigueur historique : l’amalgame prend tant et si bien que rapidement le lecteur ne distingue plus la ligne de démarcation entre la fiction et le réel ; qu’il ne différencie plus les personnages des protagonistes de l’époque. Cette faculté lui permet de poser le contexte et d’exposer les événements sans jamais être pesant. En voici un exemple, certes anecdotique, mais il ne faut rien déflorer :
« Il n’est pas exagéré d’affirmer que Churchill pouvait faire preuve d’un entêtement d’enfant gâté au sujet de son domaine.
- J’irai à Chartwell le week-end prochain, avait-il un jour annoncé de but en blanc à sa femme, alors que le couple était à Londres.
- Cher Winnie, avait alors répondu patiemment Clémentine, comme si elle s’adressait à un bambin borné, vous ne pouvez pas, la propriété est fermée et il n’y a personne pour vous faire à manger.
Connaissant le redoutable appétit et les goûts raffinés de son époux, Mrs Churchill avait espéré remporté rapidement la décision.
- Je me préparerai à manger, avait crânement répliqué notre gentleman-farmer, je peux faire bouillir un œuf, je l’ai vu faire une fois » (p. 13-14).
Il tient également de Ponson du Terrail parce que son intrique est absolument rocambolesque. Michel Colaciuri parvient à rendre vraisemblable une idée, a priori, absolument échevelée. Si un candidat au baccalauréat osait l’exposer dans sa copie, le correcteur serait en devoir d’alerter sur la santé mentale, probablement délabrée, de l’élève.
Ainsi l’auteur réussit-il le tour de force de faire croire à son lecteur que Winston Churchill ourdit un complot dont le but n’est rien de moins que la substitution d’Adolf Hitler par un imitateur acquis à la cause alliée.
Si, si ! Vous avez bien lu ! Même après avoir lu et relu le premier roman de Michel Colaciuri, j’en suis encore à me demander dans quelles circonstances l’auteur imagina un tel scénario, comment il eut l’audace de construire un récit sur cette base, par quel miracle, lors de mes deux lectures, je pus me laisser surprendre et emporter par le savoir-faire de ce romancier.
Après une telle envolée lyrique, est-il encore nécessaire, de préciser que son style, empreint d’un certain classicisme, s’avère percutant, agréable et accessible ? Une mention spéciale pour la scène entre Arthur Hitchcock et son épouse, dans leur appartement londonien, s’impose.
Êtes-vous septique, incrédule ? Tant mieux ! Surtout ne me croyez pas sur parole, dévorez ces quelques centaines de pages et savourez pleinement un plaisir de lecture rare.