L'Elvissée est la suite de Terraplane (voir critique précédente).
Quelques quinze ans après les évènements de Terraplane, la Dryco décide d'envoyer deux agents dans le monde parallèle (qui en est désormais à 1954) afin de ramener Elvis Presley. En effet, l'Elvis du monde normal est devenu une divinité, dont le culte est divisé en nombreuses églises. L'idée est de manipuler cette foule avec l'Elvis parallèle. Problème 1 : les deux agents, qui forment un couple, sont noirs. Il est donc nécessaire de leur faire suivre un traitement qui blanchit afin qu'ils ne soient pas victimes de l'appartheid que connaissent les Etats-Unis alternatifs.
Seule la première moitié du livre se passe dans le monde alternatif. La suite, un peu plus longuette, décrit la difficile adaptation d'Elvis, jusqu'au chaotique dénouement final.
Il est conseillé d'avoir lu l'excellent "Journal de nuit" de Womack avant de commencer cet opus. On y retrouve en effet certains personnages de cet ouvrage : Iz l'héroïne, mais aussi Judy, qui connaît une évolution particulièrement triste. Autre chose : cet opus ne se cantonne pas cette fois à New York, le dénouement ayant lieu à Londres, où le futur semble un peu (un peu, hein) moins sombre.
Encore une fois, l'univers décrit est violent et sombre, mais ce n'est pas gratuit. Iz et son compagnon John, en plus d'avoir subi des transformations de leur carnation, ont subi un traitement de "remélioration", dont le contenu n'est jamais explicité, mais qui a visiblement laissé de profond dégâts dans leur personnalité. On retrouve bien sûr la critique de la ségrégation sociale (extrême dans cette vision de New York), mais aussi de la concentration du pouvoir au sein de firmes privées, et plus généralement de la manière dont le pouvoir rend fou.
A noter aussi une idée sombre, mais qui amène une réflexion sur l'art : dans ce futur cancérigène, les femmes ont beaucoup de mal à porter leurs enfants à terme si elles les conservent in utero. Certaines en font une forme d'art et exposent leurs foetus morts. Le passage où la principale artiste défend son art sonne un peu comme un manifeste de Womack, même si je ne connais pas assez ce dernier pour juger si ce que je dis est tout à fait pertinent.
L'Elvissée est une sorte de clé de voûte de l'univers de Womack, mais ce n'est pas un ouvrage facile. Il risque de dérouter le lecteur (surtout le début) si ce dernier n'a pas lu auparavant "Journal de nuit" et "Terraplane". Il n'en demeure pas moins un ouvrage très riche et intéressant. A déconseiller aux fans purs et durs d'Elvis. ^^