9.5 sur 10

Le Pape est un très grand théologien, un immense docteur de la foi et un bon chrétien. Étant doté d'une intelligence stupéfiante, Benoit XVI se fait ici particulièrement accessible. Il n'assomme pas le lecteur du haut de de son autorité mais il parle très simplement et avec douceur, démontre avec patience la véracité des versets des évangiles ayant trait à l'enfance de Jésus. Il est très aisé de suivre le cheminement de la réflexion du Pape sur cette enfance dont nous savons si peu. Son raisonnement théologique est limpide et sans circonvolution, dépourvu de termes abscons. Benoit XVI est un excellent exégète et un théologien fascinant qui marque par sa profondeur et son humilité.
S'appuyant sur des travaux pointus émanant d'exégètes catholiques mais aussi d'orthodoxes et de protestants, le pape, en 180 pages très fluides, offre à tous une histoire de Jésus enfant touchante et édifiante par bien des aspects. Il relève chaque difficulté des évangiles, s'appuie sur les sciences afin de les éclaircir et lorsqu'il ne sait pas, il n'a pas honte de le dire. Il mêle habilement la critique textuelle, philologique, historique et théologique pour donner à voir un petit Jésus trop mignon avec sa gentille maman et son gentil papa, qui mènent une vie simple en Palestine dans un temps troublé par l'attente messianique et l'occupation romaine.
Les cinq chapitres suivent la logique des cinq évènements de l'enfance du Christ dans le Nouveau Testament: Chapitre 1 "D'où es-tu" s'intéresse à la filiation de Jésus selon les différents évangélistes et offre un regard à la fois anthropologique et théologique.
Chapitre 2 "L'annonce de la naissance de Jean-Baptiste et de la naissance de Jésus" met en parallèle les deux cousins si proches et appelés à des missions différentes. Également une belle partie sur la question de la virginité de Marie.
Chapitre 3 "La naissance de Jésus à Bethléem" tort une fois pour toutes le cou, s'il en était besoin, à la fausse idée répandue par Ernest Renan dans son Jésus selon laquelle Jésus de Nazareth ne pouvait être né à Bethléem. Et ouais, les déménagements ça existait déjà à cette époque.
Chapitre 4 "Les Mages d'Orient et la fuite en Égypte" s'intéresse aux travaux des astronomes, à la légende des trois rois des trois continents et montre à quel point Hérode était vraiment une ordure finie, fort capable d'ordonner le massacre des innocents. Cependant, le pape met bien en lumière la portée théologique de ces récits en apparence simplistes.
L'épilogue est consacré à "Jésus âgé de douze ans dans le Temple" et démontre que Jésus était un juif très pieux, obéissant et respectueux envers ses parents dans une pieuse famille juive. C'est un vrai homme, ici un petit enfant dont la nature humaine est certaine et dont ces quelques mystères de l'enfance, ceux médités dans les mystères joyeux, préfigurent aussi sa nature de vrai Dieu qui se révèle pleinement lorsque tout est accompli.
La bibliographie est très riche et fait la part belle aux exégètes allemands. Cela pour une question d'affinité germanique certaine mais aussi, il faut le rappeler, parce que les Allemands sont les précurseurs du schisme dévastateur des hérésies protestantes et que, de ce fait, ils ont produit des exégètes de très grande qualité afin de combattre ou affirmer la doctrine protestante depuis des siècles. D'autre part car les Allemands sont les meilleurs en Histoire de l'Antiquité, tous domaines historiques confondus, depuis le XIX è siècle.
Seulement 9.5 car Benoit XVI contredit Saint Augustin, à la page 36, qui affirmait que Marie avait fait vœu de virginité et que Joseph son époux était le protecteur de ce vœu. D'après le pape, cela "sort totalement du monde du judaïsme du temps de Jésus et semble impensable dans ce contexte". Or, d'après Jean-Christian Petitfils, il apparait que de nouvelles fouilles archéologiques ont récemment mis au jour des documents de cette époque en Palestine dans lesquels figurent des contrats de mariage où les époux font vœu de virginité. Donc la Tradition telle que rapportée par S. Augustin au sujet de la nature du mariage entre Marie et Joseph était vraie. Peut-être Benoit XVI n'en avait-il pas encore eu connaissance à l'heure de la rédaction de son ouvrage. Ce mariage sans consommation s'explique par les cadres religieux d'alors. Des jeunes filles pouvaient être consacrées à Dieu, mais une fois nubiles, elles quittaient le Temple pour devenir épouses. En l'absence de structures équivalentes à nos ordres monastiques féminins, la femme, qui ne pouvait demeurer seule pour des raisons de sécurité évidentes, s'unissait alors à un homme lui aussi consacré à Dieu et ils vivaient, époux et épouse, en frère et sœur. Et ouais, il n'y a pas que le cul dans la vie ! Donc ça nous échappe, ça parait fou mais Marie, consacrée dès l'enfance d'après certains apocryphes, était une femme mariée et vierge. Il parait fou encore aujourd'hui à beaucoup de nos contemporains que des jolies jeunes femmes se marient à Dieu et décident de se cloitrer une vie entière dans un monastère. Chose complètement impossible à l'époque de Marie, car s'il existait des communautés religieuses, elles étaient exclusivement réservées aux hommes.
Je vais acheter les deux volumes suivants de la vie de Jésus d'après Benoit XVI afin de la comparer à celle des historiens et aussi pour continuer à apprendre la méthodologie d'un grand théologien.