Rocambolesques, les aventures de Chérubin, cet alter ego du Chérubin de Beaumarchais. Enfant orphelin de mère et sans nouvelles du père, ayant grandi dans un bordel, Chérubin n'est pas pour autant ce triste gueux en haillons que l'on pourrait imaginer. Oubliées, les circonstances tragiques de sa naissance - oublié, le cadre malsain de son éducation. Que nenni. Ici, ce n'est pas un drame, c'est une gaieté !
Le personnage et tout ce qui l'explique n'est qu'un prétexte aux joyeusetés libertines narrées par Pigault-Lebrun (texte apocryphe) : finalement, tout ce que Chérubin incarne, c'est l'épanouissement dans la sexualité instinctive et universelle. Oh, bien des malheurs et des empêchements surviennent ; mais Chérubin est la résilience incarnée, et, tel un Jacob déluré (Marivaux, Le Paysan parvenu), ou un Giacomo un peu plus leste (Casanova, Histoire de ma vie), il rebondit toujours sur ses pattes - avec ou sans argent, avec ou sans amie, avec ou sans... vêtements. Tout se résout dans le sexe, avec n'importe qui, n'importe quand, tout est plaisir... Et tout se finit, n'en déplaise aux sceptiques, pour le mieux.
Idéalisation ? Je ne crois pas... Simplement, projection d'un fantasme de jouissance universelle sur un personnage qui se caractérise par son entrain insatiable, par sa témérité légère, qu'il assouvit dans les ébats. Volonté de gain de liberté, simplement, et aussi volonté de voir la beauté et la joie partout, simplement. Tout le monde est nymphomane, tout le monde jouit ; et les viols sordides, les austères emprisonnements, les empêchements matériels sont sans force contre l'amour physique. Pour une fois, on n'insistera pas sur la culture du viol, très problématique dans le libertinage. Non vraiment, ici, Chérubin arrive comme un charmant sauveur qui rend les femmes heureuses, irrésistiblement. C'est le choix de l'écriture pornographique positive. Mais pas que... malgré toute la superficialité des aventures, dont le dénouement est TOUJOURS sexuel, on ne peut que saluer l'invention dans la multiplication des péripéties. Mouvement perpétuel, qui traduit peut-être l'effervescence du siècle et la quête effrénée de la libération de l'individu. On n'a pas le temps de s'ennuyer, c'est drôle ; cela aborde en creux des phénomènes de société terribles comme, donc, la violence, l'abandon, le dénuement social, etc ; et c'est construit, les personnages reviennent et ne sont pas oubliés. Même sans psychologie, même dans l'évidence que ce livre ne se lit que d'une main, on pense à un roman d'aventures, voire à un roman d'apprentissage, qui n'est pas sans rappeler le tumultueux roman La Mouche, de Mouhy.
Ça se lit comme un rien, ça dit plein de choses sur l'époque, et puis ne nous cachons pas que c'est excitant. Alors, un peu de fraîcheur...
Petit conseil final : évitez juste de trop montrer la couverture de L'Enfant du bordel pendant votre lecture dans le métro/bus/tramway : vous pourriez vous attirer les regards lubriques de vieux pervers frustrés, choquer les parents bien-pensants, ou susciter les interrogations des enfants curieux. Sinon, le mot d'ordre est... Faites-vous plaisir !