J'ai ouvert le roman 'L'Enquête', de Philippe CLAUDEL (2010) avec la même attente que lors des ouvrages précédents. Je venais à la rencontre d'un formidable conteur qui, en simplicité mais justesse, me touchait au coeur et demandait à mon esprit de réfléchir. J'ai ouvert ce roman et, de suite, je m'y suis perdu. Je n'ai pas retrouvé le conteur dont la sonorité du phrasé n'avait d'égale que la joliesse des images proposées. Ici, tout est fou, absurde, fantasmagorique, hallucinant mais, surtout, dérangeant. J'étais mal à l'aise, dans une histoire sans réel, sans rencontre, sans perspective.Un cauchemar aussi vrai pour moi que pour le héros du livre. Peu, si peu donc de plaisir à lire.
Et pourtant... peut-être est-ce là que CLAUDEL finit par toucher. Il nous plaque là un monde d'incommunication, un monde régi par une hiérarchie forte sans être pour autant légitimée, un monde où la personne n'est rien, où seule la fonction est, un monde du 'mon nom est personne!'
En nous offrant la rencontre avec un tel monde, Philippe CLAUDEL ne nous invite-t-il pas à ouvrir les yeux, sortir de nos rêves et nous heurter à la réalité de notre monde où l'Entreprise avale l'Homme sans même le digérer et où l'homme est souvent moins que rien, loin de sentir quelqu'un, une personne capable et voulant vivre par et pour les relations humaines qu'il est cependant possible de construire. Nous, dans ce monde, qui sommes-nous? Quelle fonction est la nôtre et comment l'habitons-nous?