C'est toujours délicat de noter ou de critiquer ce genre de bouquin. Une note trop élevée tendrait à prouver qu'on est aveuglé par un militantisme écervelé, une note trop basse tendrait à montrer qu'on est un haineux et qu'il y a peu de chance qu'on ait réellement lu le bouquin. Quand à une note moyenne, cela montrerait qu'on a pas trop d'avis, qu'on est mi-figue mi-raisin ou pire, qu'on apprécie François Bayrou (joke inside).
Seulement je dois avouer que ce bouquin m'a beaucoup surpris par la justesse de son analyse. Mélenchon ne propose pas de solution toute faite, il fait essentiellement un constat. Le constat d'une société qui ne fonctionne plus, d'un monde qui marche sur la tête et d'un peuple qui cherche des repères.

Je crois que pour comprendre ce que va nous dire Mélenchon, il faut s'élever un peu au dessus des clivages politiques habituels. Sortir des petites cases. Les petites cases, c'est tellement pratique ! On est un gaucho, un catho, un facho, un bobo, tant de jolie rime en « o » qui nous permettent de clore un débat et de cataloguer quelqu'un, dans toute sa complexité, au rang d'une entité aux idées préconçues.
Je ne vais pas critiquer le bouquin comme le ferait un critiqueur tout gris. Je vais vous faire partager ce qu'il m'a évoqué. J'emprunterais certains de ces mots, je ne suis pas d’accord avec tout ce qu'à écrit Mélenchon, mais cela m'a fait réfléchir. C'est déjà ça.

Intéressons nous à nous même pour commencer.
Qui sommes-nous ?
Nous sommes 7 milliards d'êtres humains vivant sur la planète Terre. Plus précisément, nous sommes des Français, 66 millions. Bientôt plus. Et nous avons tous des idées, une vision des choses, nous sommes des entités uniques dans une masse difficilement définissable. En effet il est difficile de cataloguer les Français en un seul genre, en une seule définition. Nous sommes tellement multiculturel, c'est d'ailleurs là qu'il faudra trouver une force plutôt qu'une faiblesse. Ce qui nous rassemble et nous unis, c'est que nous sommes tous issu du peuple, dans sa foisonnante complexité. Moi même, si je suis de gauche et plutôt un soutien de Mélenchon, cela ne veut pas dire que j’adhère à tout ce qu'il dit ni à ce qu'il est. Et même, ce qu'il est, je m'en contrefous. Il m'arrive aussi d'entendre des hommes politiques de droite dire des choses qui me plaisent. J'aime pas le sport médiatisé, mais il m'arrive de prendre mon pied en regardant un match. J'aime pas les polars et pourtant il m'est arrivé d'en apprécier. J'aime pas le rap, mais j'ai déjà lu des textes de rappeurs fascinants. J'aime pas les émissions télé grand public, pourtant, il m'arrive de bloquer devant certaines… Et je ne suis pas le seul dans ce cas. Nous sommes tous ainsi. Complexe et difficile à cataloguer.

Partant de ce postulat de complexité, nous pouvons nous interroger sur notre avenir à l'échelle de la planète. Qu'est-ce que la France à l'échelle planétaire ? Un petit pays. Certes. Mais en y regardant de plus près, nous sommes le premier pays en terme de superficie en Europe, le deuxième en terme de démographie et bientôt le premier. Au niveau mondial, nous sommes le sixième pays en terme de surface lorsque l'on prends en compte l'espace maritime. Nous sommes donc un grand pays, une grande force économique et sociale. Nous avons notre place et notre mot à dire. La France et les décisions qu'elle prend peuvent avoir un impact majeur sur la planète. Il faut en prendre conscience et assumer des responsabilités. Même si nous avons toujours à apprendre des autres, nous n'avons à recevoir de leçon de personne.

Donnons également un sens aux mots et écartons le précepte droite/gauche. Ces deux mots nous ont en effet été volés. Comment comprendre que notre président actuel est de gauche quand il fait pire en terme de recul social que son prédécesseur qui lui était de droite ? Les mots ont perdu leur sens, c'est pour cela qu'il faut s’élever au dessus de ce débat stérile. Nous avons tous des tendances, des opinions qui changent et évoluent au cours de notre vie. Hier je pensais que la révolte armée était la seule échappatoire pour notre pays. Aujourd'hui, père de deux enfants, je tempère grandement ses propos. Nous changeons, nous évoluons. Ce qui était évident hier, ne l'est plus forcément aujourd'hui. Donc, parlons de ce qui nous unis plutôt que de ce qui nous désunis. Nous avons tous un point commun. Nous sommes du peuple et dans une démocratie, le peuple est souverain. Or, nous ne sommes pas en démocratie dans notre pays. La 5 éme république nous a fait élire des chefs plutôt que voter des lois. Ca a marché un temps. Force est de constater qu'aujourd'hui cela ne fonctionne plus. Sarkozy était en son temps le président le plus impopulaire de la 5éme république, voilà qu’aujourd’hui il est détrôné par son successeur sur ce triste record. Et cela n'a rien à voir avec leur propre personne. Ils sont ce qu'ils sont et peu m'importe.
Et que penser d'un pays où le président menacerait de dissolution les députés afin qu'ils votent les textes qu'il écrit seul ? Que penser d'un pays qui changerait 17 fois ses institutions sans jamais consulter le peuple ? Le problème de nos institutions est que les élections sont une clef illusoire de délivrance. On élit quelqu'un et on attend. Si ce quelqu'un déçoit ou trahit ses promesses, nous n'avons pas de recours. Nous attendons l'élection suivante et la messe recommence. Et ainsi naissent nos espoirs déçus, nos frustrations et ce sentiment d'impuissance.
Notre pays est malade de ces institutions car nos dirigeants n'ont pas la force de prendre les décisions que le bon sens imposerait. Ils sont déracinés dans ce monde où l'argent rend fou. Le peuple est pour eux une masse grouillante. Nous sommes des chiffres, ceux du chômage, de la croissance et rien de plus. Notre système institutionnel nous fait placer des gens sur un piédestal sur lequel ils ne touchent plus Terre. Et quand ils y sont, leur seul objectif et de tout faire pour y rester, quitte à se corrompre. Je généralise, je caricature même, mais il est indéniable que c'est un ressenti général que nous avons tous un jour éprouvé à l'égard de ceux qui nous dirigent.
Si demain, nous permettions au peuple de révoquer les élus, cela ne changerait-il pas la donne ? Ce siège auquel ils tiennent tant pourrait leur échapper en court de mandat. Quel risque pour nous après tout ? Si les élus font leur job, ils n'ont pas de soucis à se faire. Aujourd'hui, les lois qui punissent les élus corrompus sont votées par ces mêmes élus. Le jeu est donc truqué. Le référendum révocatoire est une des solutions pour permettre au peuple de retrouver sa souveraineté et de donner par la même occasion un grand coup de balai.

Mais que se passe t-il plus globalement ?
Une chose est sûre aujourd’hui, la planète va mal. Elle souffre de la dette écologique que lui font subir les humains à travers des modes de vie inadaptés. Le changement climatique est en marche et personne ne peut dire le contraire. Il faut agir, non pas pour inverser la cadence, car il est trop tard, mais pour en atténuer les effets. Il faut donc tout changer, tout repenser. La France, pays riche si il en est, a les moyens et la force d'infléchir un changement majeur. Et entendons-nous bien. Nous ne parlons pas de l'argent, mais de l'humain. L'homme qui, si il continue sur cette pente, court à sa perte. L'argent qui rend fou est arrivé au bout de la course du capitalisme. Il faut débloquer l'argent et sortir l'économie de la bulle financière pour qu'il serve à sauver la planète. L'argent n'a jamais été un problème et ne le sera jamais (bien qu'on veuille nous le faire croire). Mais élevons le débat. La France a une chance que n'ont pas les autres pays, nous sommes un des pays les mieux éduqués au monde. C'est notre matière grise qui pourra nous sortir de là. Pas l'argent. Le prix de l'inaction serait d'ailleurs beaucoup plus élevé. La France doit être la machine qui lance un processus intelligent et en adéquation avec notre planète pour que ses rouages entraînent la société vers le haut. Nous avons les moyens et les ressources nécessaires pour infléchir une tendance qui serait suivie par le reste des nations. Si demain nous interdisons le suremballage, la pêche en eaux profondes, l'import depuis l'étranger de denrées qui poussent dans nos jardins, alors nous enclencherons un processus novateur et enthousiasmant pour notre pays. Il faudra créer, inventer, modifier notre façon de vivre, de travailler. Quoi de plus motivant ?
Car ne nous y trompons pas, actuellement, la France est le dernier verrou Européen à faire sauter pour que le libéralisme s'installe durablement en déréglementant le code du travail, en pillant nos ressources, en occupant notre temps de cerveau disponible. Je ne crois pas que grand monde soit prêt à voir s'installer chez nous le modèle nord Américain. Pourtant, c'est la menace qui pèse réellement sur nous.

Il faut tout d'abord se réapproprier quelque chose que nous avons perdu : le temps. Quand on évoque une planification écologique, nous parlons d'un projet sur 20 ou 30 ans minimum. Dans notre société tout s’accélère et notre temps de réflexion s'amenuise. Qui aurait pu penser il y a seulement 20 ans qu'aujourd'hui nous aurions les livres du monde entier dans notre poche via nos téléphones portables, que nous aurions des lunettes connectées, des montres en ligne et que nous fumerions des cigarettes électroniques ? La machine s'est emballé à une vitesse folle. Quand nous pouvons encore lire des textes vieux de 2000 ans, nous ne pouvons plus utiliser des disquettes d'il y a 20 ans simplement parce que plus personne n'a de quoi les lire. Non pas qu'il faille stopper le progrès, mais replacer les choses dans la dynamique qui leur est propre. Des choses doivent aller à un rythme plus lent que d'autres. L'humain doit avancer aux rythmes des saisons, de la planète.
Il en est de même pour la politique. Il faut prendre le temps de la réflexion pour de l'action à long terme.

Alors que nous propose Mélenchon ?
Quelque chose de dangereux, de demander son avis au peuple. L'échéance est en 2017. Le candidat s'appelle la VI éme république. Nous n'allons pas voter pour un homme ou une femme, mais pour un changement.
Il faudra un homme ou une femme pour l'incarner, car ainsi sont construites les élections de la V éme république. On élit un homme ou une femme, pas un projet. Je souhaite que la personne qui se présente ne soit ni Mélenchon, ni une personne connue de la vie politique. Il faut un renouveau, sinon, le projet sera estampillé « gaucho » et cela lui nuirait grandement.
Demander au peuple de voter plus souvent, pour des référendums, des lois, de pouvoir révoquer des élus quand ils ne font pas le job. Ré-insuffler du dynamisme dans la vie citoyenne.
Et c'est là qu'est le vrai danger. Quand j'entends les médias, quand je lis les journaux, quand je vois les commentaires haineux de la majorité des gens de ce pays, je me dis que demander son avis au peuple, c'est jouer avec le feu. D'un autre côté, ne pas lui demander, c'est continuer comme nous le faisons et nous faire aller droit dans le mur.
Donc dans un soucis d'égalité, les Lepeniste, les libéraux, les fascistes, les militants d’extrême gauche, les communistes, les nazis iront donner leur avis. Et il sera pris en compte.
Et c'est devant ce danger potentiel du vieux monde rabougris que nous pensons à un sursaut républicain. La masse des anonymes qui ne se déplace plus dans les bureaux de vote, si ils ne veulent pas voir leur pays tomber en lambeau derrière un dictate libéral devrons se lever et exprimer leur avis. Et convaincre.
Et la politique reprendra tout son sens et son intérêt. Les hommes politiques ne viendront pas défendre leur bilan, leur candidature, mais ils viendront nous éclairer sur des idées, sur des façons de penser. Ce qui est selon moi, leur rôle à la base.
Et de là, tombera l'oligarchie cachée derrière la main invisible de la finance… ou elle prospérera. C'est vous qui choisirez.
Alors que risquons-nous ? De donner du pouvoir à des gens qui ferait mieux de ne pas en avoir : votre voisin raciste, votre collègue syndicaliste, votre belle-mère libérale, votre enfant écœuré. Tout ces gens là pourrons participer et donner leur avis.
Pour ma part, j’adhère au projet et je compte sur l'intelligence collective. Mais ça fait peur. Mais sinon, quelle autre perspective ? Marine Lepen ? François Hollande ? Nicolas Sarkozy ? Ces gens là on fait leur temps et il est temps pour le peuple de prendre les choses en main.

Il y a un autre risque également. Celui de la guerre. Car il ne faut pas croire que les grands organisateurs du traité de libre échange se laisseront faire. Il ne faut pas croire que les grandes multinationales laisseront un pays décider sans eux. Ils ont déjà provoqué des guerres pour moins que ça. Mais le bon sens doit l'emporter sur la peur.

Alors regardons nous. A l'heure où j'écris ses lignes, nous entrons en période de Noël. La profusion des grands repas et de la consommation à outrance. Pouvons-nous raisonnablement continuer à fonctionner ainsi ? Ne nous sentirions-nous pas mieux, si nous prenions juste ce qu'il nous faut tout en sachant que les autres ont assez ? Si l'argent fait le bonheur, pouvons nous être heureux dans un océan de malheur ?
Il est temps de prendre des risques. Le risque de donner la parole à son voisin, son ami, son ennemi et de débattre, d'échanger, de dialoguer et de trancher ensemble des lois. Nous ne tomberons pas toujours d'accord et cela sera compliqué, mais si nous sommes assurés de la souveraineté de nos votes, alors, rien ne nous arrêtera. Prendre la parole et être responsable de nos actes, c'est avoir une vision de l'avenir. Et c'est ce qui nous manque en ce moment, un avenir.
villou
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le 9 déc. 2014

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