"Alexis avait le sentiment qu'un mois s'était écoulé depuis son arrivée, alors qu'elle n'avait passé que quelques jours à Plaka." Et moi j'ai eu le sentiment d'être en compagnie des personnages de "L'île des oubliés" depuis un mois aussi, bien que ma lecture n'ait duré qu'une semaine...
Tout commençait pourtant bien avec un démarrage au rythme soutenu et la prise de contact avec Alexis Fielding, jeune archéologue anglaise séjournant en Crète. Dans mon cerveau, les neurones se sont agités et connectés pour produire une espérance : que ce roman allie action, passion pour le passé, Histoire et découverte. Or, au fil des pages, j'ai rapidement déchanté.
Le rythme, d'abord, s'est terriblement ralenti, la narration s'alourdissant de descriptions redondantes et inutiles (je crois que j'aurais baissé les bras si Victoria Hislop avait décrit une fois de trop la maniaquerie ménagère de Maria).
L'île des oubliés est un lieu historique, un îlot situé à quelques encablures de la côte orientale crétoise, et qui a servi de léproserie pendant cinquante ans, jusqu'à ce que des traitements contre ce fléau immémorial soient découverts et mis en pratique dans les années 50. A ma grande déconvenue, l'autrice a très vite abandonné Alexis pour immerger le lecteur dans le passé de sa famille crétoise, étroitement liée à Spinalonga, "l'île des oubliés". Ancienne forteresse vénitienne, les colons italiens ont donné à cette île "maudite" un nom de malédiction (spina longa signifiant en italien, la longue épine).
Si découvrir l'histoire et le quotidien des malades exilés sur cette île martyre n'a pas été inintéressant en soi, le traitement narratif m'a paru manquer de congruence. A lire ce roman, on aurait presque envie de devenir lépreux soi-même pour pouvoir vivre dans cet entre-soi paradisiaque, où le marché animé, la bonne camaraderie et les jardinières croulant sous les géraniums ne manquent pas de séduction. Je n'ai pas apprécié cette perception renvoyée par l'auteur et qui met à mal la trame dramatique du récit.
Pourtant, l'histoire de la famille Petrakis à laquelle Alexis appartient se caractérise par de nombreuses épreuves, mises en lumière à travers le destin de ses femmes. Et c'est ce dernier aspect qui aura fini de rendre ma lecture laborieuse, longue et dénuée d'intérêt : l'impossibilité de ressentir la moindre empathie ou complicité pour aucun des personnages du roman, un comble étant donné le contexte. Je crois que Victoria Hislop n'a pas su choisir entre plusieurs angles narratifs, alternant des chapitres très typés "romance" avec d'autres quasi documentaires. Je n'ai pas été à l'aise avec cette confusion des genres. D'autant qu'il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour deviner très en amont les relations destinées à se nouer entre les protagonistes.
Au final, je ne retiendrai de ce roman qui aurait pu être bien plus marquant que l'extraordinaire dépaysement en terres grecques qu'il offre. Pendant toute ma lecture, j'ai vraiment eu envie de découvrir la Crète, à l'histoire et aux traditions véritablement mythologiques. Mais bon, il était vraiment temps d'en finir, une description de trop des vents violents qui soufflent sans pitié sur la Méditerranée aurait aussi pu étouffer cette envie-là.