Si L’Œil de Caine commence lentement, c’est pour mieux t’embarquer, mon enfant.
Je me rappelle pourtant avoir été dubitatif à la lecture du début (disons les trente ou quarante premières pages) ; le style de Bauwen n’avait rien de transcendant, et la mise en place était fastidieuse.
Introduire une bonne dizaine de personnages principaux induisait ce côté laborieux – rien à voir avec l’entrée en matière virtuose des Dix petits nègres d’Agatha Christie, référence absolue pour qui adopte ce genre de schéma narratif : un lieu clos ou réduit dont il est impossible de s’échapper, un groupe réduit de caractères, un secret pour chacun, et un tueur caché au milieu.
Dix petits nègres est du reste l’une des références assumées par un Bauwen sans complexe, tout comme la série Lost ou le film Identity. Aucune présomption de sa part, le romancier est tout simplement joueur, et reconnaissant envers toute œuvre susceptible de piquer son imagination.
Une fois les éléments de l’intrigue mis en place, L’Œil de Caine se transforme en feu d’artifice. Suspense et tension ne faiblissent pas jusqu’au bout, conduisant le roman à un bouquet final qui en laissera plus d’un pantois. Je n’en dis évidemment pas plus…
Paru en 2007 chez Albin Michel, le premier livre de Patrick Bauwen propose aussi une réflexion prenante sur la télé-réalité, dont il dévoile les artifices et les excès, en imaginant certains bien avant que ces derniers deviennent la norme d’un genre télévisuel dont la seule solution pour se maintenir à l’antenne est de toujours repousser les limites du mauvais goût et de l’abrutissement intellectuel.
Perfectible sur le plan littéraire et narratif, mais d’une efficacité redoutable une fois la mise en place achevée, L’Œil de Caine lançait il y a un peu plus de dix ans la promesse Patrick Bauwen. Promesse tenue deux ans plus tard par Monster, et la suite d'une œuvre de plus en plus personnelle et captivante.