Un voyage du côté de Lisbonne m’avait poussé il y a quelques temps déjà à me pencher sur la littérature portugaise, dont je connaissais que les noms les plus illustres, et encore sans avoir lu plus qu’un texte ou deux dans des recueils ou des magazines. C’est ainsi que je commençais à lire des textes de Fernando Pessoa et de José Saramago. Commençant par le premier, et averti de sa réputation d’auteur parfois difficile, j’entamais mon voyage par un petit opuscule, le banquier anarchiste, qui s’avérait une découverte stimulante, intéressante, amusante. J’avais été convaincu par ce dialogue surréaliste et jubilatoire, et la déception devant « l’affaire Vargas » n’en est que plus grande.

Comme souvent avec Pessoa, le texte est incomplet, mais le souci ne se situe clairement pas là. Je ne crois pas non plus que la traduction soit en cause, quelle que soit sa qualité. Tout l’ouvrage me parait d’une très piètre qualité, que ce soit en termes de forme ou de fond.
L’histoire tout d’abord, même si la préface prévient contre l’intérêt limité que Pessoa y trouvait est malgré tout d’une banalité affligeante. Ce ne serait pas un problème si les promesses concernant le style, le déroulé des réflexions des personnages étaient tenues. Ce n’est malheureusement pas le cas, et les digressions à n’en plus finir du docteur Quaresma sont parfaitement soporifiques, d’autant plus que les dialogues (quand on sort des monologues à rallonge) semblent totalement factices. Rien n’est crédible dans cette « résolution » d’enquête, aucun des personnages n’acquérant l’épaisseur nécessaire pour suffire à son existence. Ils ne sont que fonctions dans un cirque que créée Pessoa pour mettre en avant la supposée supériorité intellectuelle dans le raisonnement de son héros.

Or, le contenu des analyses psychologisantes du bon docteur sont au mieux inintéressantes, et au pire d’une bêtise assez insondable. Le texte met du coup surtout en avant les névroses inquiétantes d’un Pessoa dont la volonté de classement devait, au contraire de l’analyse d’un Barthes, pénaliser sérieusement la socialisation, tant son souci de rangement, de classement, est presque terrifiant. Chez lui, l’humanité est divisible en 3 catégories, quel que soit le prisme que l’on prend, que l’on se place d’un point de vue psychologique ou d’un autre (les pages sur l’hystérie, la neurasthénie et l’épilepsie, malgré un verni culturel certain sont d’un ennui mortel).

Au final, je me lancerais certainement dans un recueil de poème ou dans son livre de l’intranquilité pour me forger un avis définitif sur l’auteur, tant ses multiples personnalités, exprimées par ses différents hétéronymes semblent avoir marqué ses textes au point de faire varier leur qualité de manière incroyable.
CorwinD
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le 17 janv. 2015

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