Titre polémique (ou enthousiasmant c’est selon), auteurs anonymes, édition de gauchistes brillants, le petit opuscule « l’insurrection qui vient » du Comité invisible est un objet politique et sociétal plus que littéraire. Et ce d’autant plus qu’il a été mis sous les feux de l’actualité par l’affaire Julien Coupat, soupçonné par la police d’avoir été un des (voire le) rédacteur de ce texte. Editeur (Eric Hazan) convoqué, mises en détentions… ce qui c’est avéré une pantalonnade gigantesque mise en place par Michèle Alliot-Marie et le gouvernement de l’époque a donné un crédit involontaire à cette critique de l’Empire (l'establishment, la classe dirigeante) par le comité invisible.
Volonté de maintenir le peuple, les individus, à un statut fondamentalement panurgiste, au point d’utiliser une éventuelle implication dans la rédaction d’un ouvrage théorique pour appuyer l’emprisonnement d’un terroriste supposé…

Et cette histoire ubuesque valide également la fragilité de l’Empire, le manque de confiance de ses séides dans sa puissance, au point d’accepter de se rendre ridicule sur la place publique en s’y embarquant. Mais elle valide aussi le sentiment totale d’impunité d’une partie de la force publique impliquée (justice, police, politiques, renseignements) malgré les difficultés rencontrées à Outreau : qu’importe la réalité des faits, les contestations médiatiques, politiques, les acteurs ne risqueront rien. Jamais.

Il ne s’agit finalement que d’une énième émanation du deuxième cercle décrit dans le bouquin : le divertissement comme arme fondamentale de l’Empire. La description de la situation est acerbe, elle passe pêle-mêle au crible l’environnementalisme et la décroissance (comme nouvelle arme du néo-capitalisme), les émeutes de 2005 (comme preuve d’un changement dans la contestation de la jeunesse française), l’entreprise et le travail (comme symbole de la schizophrénie française).

Toute cette partie descriptive et analytique de la situation est intéressante, parfois originale et même brillante. Le problème viendrait plutôt une fois les décomptes faits de toutes les fausses bonnes idées proposées par les uns et les autres qui ne peuvent être – évidemment – que des émanations de l’Empire ou des futurs récupérés, dans les solutions proposées. C’est la que le texte pêche car la volonté de se regrouper en bandes, en communes, de rester au niveau local, mais attention sans dériver vers les égarements du milieu associatif, le tout en prenant les armes contre la dictature acceptée par la majorité de la population ressemble à s’y méprendre à la fois à un vœu pieu et à une resucée de vieilles rengaines anarchistes, qui même légèrement enrobées, n’apportent finalement pas tant que ça au débat.

Ça reste et restera toujours l’immense problème des textes de ce type : imaginer l’après sans retomber dans les travers passés, proposer des solutions viables aux problèmes que nous propose ce XXIe siècle qui a commencé si mal un jour de septembre 2001. La lente descente aux enfers constatée depuis est trop importante pour que quelques poussées d’enthousiasme de Syriza ou Podemos suffise à envisager un avenir glorieux, surtout quand on voit ce qu’il est advenu des grands élans positifs de ces quinze dernières années.
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le 22 janv. 2015

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