« L’année des volcans » est l’incroyable histoire de ce trio infernal qui en moins d’une décennie aura fait plus de gros titres dans les médias que la guerre froide et la création de l’Europe réunies. Rossellini, Magnani, Bergman… trois noms dont on ne retient à ce jour que l’immense talent devenus une sorte d’icônes du 7ème art quelque peu poussiéreuses. A l’époque pourtant il en était tout autrement. Rossellini, un être ambigu, est le réalisateur fer de lance du néoréalisme italien. Anna Magnani, son interprète, sa muse, sa maitresse attitrée est une actrice au caractère trempé à la nitroglycérine. Quant à Ingrid Bergman, l’actrice proprette, la star venue tout droit de Suède a su, avec l’appui d’un Selznick, bouter la Divine Garbo hors de Hollywood, la précipitant dans une retraite presque forcée à la Miss Havisham…
C’est d’ailleurs Bergman qui, sans avoir l’air d’y toucher, déclenchera les hostilités. Las des grands studios, elle se manifeste auprès de Rossellini lui quémandant un rôle, tout en rêvant d’ailleurs et surtout d’une autre vie. Ce film sera « Stromboli » promis un temps à la Nanarella (Magnani). La guerre des volcans est déclarée, donnant naissance à deux films presque identiques, puisque la maîtresse bafouée décide pour se venger, et avec l’appui de l’appareil hollywoodien, tourne « Volcano » sur l’île du même nom située à quelques encablures de « Stromboli ». Les vies vont alors basculer…
En 2013, dans son documentaire « La guerre des volcans », Francesco Patierno retraçait déjà ce combat très « people », pas si anecdotique que cela. Ici, François Guillaume Lorrain s’en délecte, mais surtout l’utilise pour recomposer une société d’après-guerre de Hollywood à l’Italie, à travers ses mécanismes moraux, spirituels, sociaux voire sentimentaux. Le maccarthysme naissant, l’Italie pas tout à fait remise de ses blessures de guerre ni de ses vieux démons, le rôle prépondérant que prendront les médias sont autant de sujets traités en filigrane. A cela, il faut ajouter une approche fine des « acteurs » de ce drame. On sent un travail de recherche en profondeur pour coller le plus possible à la réalité de l’époque.
Enfin, ce roman traversé par la passion, est extrêmement bien construit et d’une écriture très fluide. Le suspens y est ménagé et l’on à peine à quitter un chapitre sans vouloir entamer l’autre dans la foulée, ce qu’on ne manque pas de faire. Et l’on se surprend à le finir très vite, à regret.
Fritz_Langueur
9
Écrit par

Créée

le 11 sept. 2014

Critique lue 186 fois

4 j'aime

Fritz Langueur

Écrit par

Critique lue 186 fois

4

D'autres avis sur L'année des volcans

L'année des volcans
AAlx
8

Passion, cinéma et volcans : un mélange follement romanesque !

Une immersion dans le monde du cinéma d'après-guerre, avec tous les ingrédients du plaisir romanesque : de l'amour, des rivales, des scandales, et un décor incroyable qui agit sur les protagonistes...

Par

le 15 avr. 2018

L'année des volcans
Cinephile-doux
7

Trois monstres sacrés

Trois monstres sacrés. Et de sacrés monstres. Deux icônes : Ingrid Bergman, la suédoise "américanisée" au faîte de sa gloire après Jeanne d'Arc et Les amants du capricorne ; Anna Magnani, la louve...

le 5 janv. 2017

L'année des volcans
BMR
8

2 îles + 2 femmes = 4 volcans

Amours sulfureuses et volcaniques. Étonnant roman que cette Année des volcans de François-Guillaume Lorrain, un journaliste passionné de cinéma. Certes le sujet et la 4° de couv' semblaient fort...

Par

le 7 mai 2014

Du même critique

Ni juge, ni soumise
Fritz_Langueur
8

On ne juge pas un crapaud à le voir sauter !

Ce n'est pas sans un certain plaisir que l'on retrouve le juge d'instruction Anne Gruwez qui a déjà fait l'objet d'un reportage pour l'émission Strip-tease en 2011. Sept ans après, ce juge totalement...

le 12 févr. 2018

59 j'aime

7

120 battements par minute
Fritz_Langueur
10

Sean, Nathan, Sophie et les autres...

Qu’il est difficile d’appréhender un avis sur une œuvre dont la fiction se mêle aux souvenirs de mon propre vécu, où une situation, quelques mots ou bien encore des personnages semblent tout droit...

le 24 août 2017

56 j'aime

10

Tale of Tales
Fritz_Langueur
9

La princesse aux petites poisses...

Indiscutablement « Tale of tales » sera le film le plus controversé de l’année 2015, accueil mitigé a Cannes, critique divisée et premiers ressentis de spectateurs contrastés. Me moquant éperdument...

le 3 juil. 2015

48 j'aime

11