Stephan Ghreener est un auteur de polar qui n'a pas froid aux yeux. Après avoir suivi un chemin classique (trois romans publiés, dont deux chez Fleuve Noir), il a décidé de créer sa propre marque, Stephan Ghreener Productions, pour publier ses propres textes. Ca peut paraître au mieux présomptueux, au pire prétentieux. Alors que non, c'est au contraire très courageux. L'envie d'être autonome, de donner forme à son rêve et de maîtriser l'ensemble du processus, tout en offrant à ses lecteurs un livre de bonne facture à un tarif raisonnable (autour de 10€).
Le mieux, c'est que le résultat est à la hauteur de son ambition : le format de poche de L'Eté des deux pôles justifie son prix modique, sans sacrifier la qualité de la présentation. L'impression est excellente, la police de caractère agréable, le livre solide et bien fabriqué.
Du point de vue de la forme, c'est donc une réussite ; parlons maintenant du fond.
Parmi les craintes que j'avais avant d'entamer L'Eté des deux pôles, il y avait celle du sujet : le tueur professionnel qui veut raccrocher, c'est du déjà lu. Le premier chapitre, remarquable, a aussitôt dissipé mon appréhension. Ghreener trouve d'emblée une voix à son héros, le rend attachant sans négliger ses zones d'ombre et le danger manifeste qu'il représente. Il investit pleinement les codes induits par le personnage tout en le singularisant par sa complexité, ses doutes et son humour.
Oui, car ce roman est souvent drôle, ce qui ne gâche rien. Cela tient au ton du récit, aux réflexions ironiques ou distanciées de Greg, ainsi qu'à des dialogues enlevés et qui sonnent juste.
Mais L'Eté des deux pôles ne s'en tient pas à cette simple histoire de dernier contrat à remplir ; cet aspect est même réglé à mi-livre, et c'est à partir de là que le roman de Ghreener prend une autre dimension, plus intéressante, en creusant le personnage de Greg Vadim mais aussi celui de ses proches, dont sa fille Camille. Une autre forme de suspense apparaît, qui mène à grande vitesse vers une fin ouverte à tous les vents. Oui, car Stephan Ghreener est un bourreau, de ceux qui torturent ses lecteurs en les laissant suspendus en pleine tension, enrageant devant la mention "à suivre"...
Laquelle suite est annoncée pour le printemps 2013, c'est-à-dire presque demain. Autant dire qu'on sera au rendez-vous !