Voici une nouveauté de 2020 dans la littérature jeunesse, qui fait désormais parti de mes pépites d'or pour cette année.


Boy ( ou Danny) vit dans les sombres quartiers d'Édimbourg, dans une Angleterre des années 1870. Petit voleur sous contrainte, distingué par sa peau couleur de thé corsé, il est marqué par la privatisation, le manque d'affection et la violence. Ça ne l'empêche pas d'être un pickpocket assez doué. Lorsqu'un de ses vols tourne mal, lors d'une enchère d'animaux, Boy se retrouve alors mêlé à cette enchère et grâce à lui, James Jameson parvient à faire son enchère sur Maharadjah, un majestueux éléphant africain, coupant l'herbe sous le pied à son rival Arthur Albright. Mais loin de s'avouer vaincu, Albright propose alors un pari à Jameson: s'il parvient à faire voyager l'éléphant jusqu'à son zoo à Belle-Vue, Albright est près à lui céder sa ménagerie. le contraire s'applique si Jameson échoue. Jameson accepte, car il pense avoir un atout majeur en la personne de Boy/Danny, qui a une connexion particulière avec le grand éléphant. Jameson prend alors le jeune voleur sous son aile, malgré la grande méfiance de ce dernier, et amorce le pari d'une vie avec une foi quasi inébranlable. Boy devient Danny, apprenti-Mahout et Prince indien de Delhi, amorçant ainsi le début d'une nouvelle vie.


J'ai lu ce roman en une fois, vite embarqué dans les aventures trépidantes de ce jeune garçon qui me fait penser à une Cosette version garçon mélangé à un Aladdin indien, en ce sens où c'est un "prince parmi les voleurs" au bon fond, qui s'embarque pour une épopée digne du "Voyage autour de la terre en 80 jours", à plus petite échelle. Boy/Danny/Dandid est également atteint de mutisme psychogène ( une forme de mutisme d'origine psychologique). Orphelin, exploité, privatisé et vêtu de haillons, c'est un jeune garçon qui se débrouille pour survivre à une époque où les enfants sont totalement privés de droits. Qui plus est, il est étranger, ce qui lui vaut un surplus d'injures et encore moins de considérations, dans un pays marqué par l'élitisme anglo-saxon ( évidement, nous sommes en sol anglais). Une époque également marqué par une certaine maltraitance animalière, où les animaux exotiques sont vendus comme des objets dans les zoos ou les cirques, et où leur vie n'est pas toujours facile.


Ce roman me rappelle également l'histoire touchante du roman "De l'eau pour les éléphant", aussi beau en roman qu'en film, d'ailleurs, dans lequel un vétérinaire se lie d'amitié avec une éléphante de cirque elle aussi sujette à des sévices physiques et psychologiques. Nous sommes à une époque où pour certaines brutes déguisés en gentleman, les animaux ne sont bons qu'à servir le plaisir de l'homme. On y traitera notamment de la chasse, des méthodes cruelles pratiquées par certains cirques. Mais rien de très grave, nous restons dans les limites qu'impose la littérature jeunesse. Néanmoins, on est vite gagné par des sentiments comme l'indignation, la colère et le mépris pour ces hommes cupides dépourvu d'humanité. Heureusement, tout fini bien.


Cette histoire est d'autant plus surprenante qu'elle est tirée de faits réels. Jameson ( de son vrai nom Jamison) a existé, Maharadjah aussi. Cet éléphant, originaire d'Asie, a bel et bien détruit un wagon et du faire la route à pied jusqu'à Belle-vue et a séduit une génération d'anglais.


J'apprécie la rigueur psychologique de ce récit. On sens que Boy est traumatisé à un certain niveau. Il déteste le contact physique, est devenu muet, est toujours très peu confiant et semble resté en mode "survie" malgré les nouvelles conditions de sa vie de dompteur d'éléphant. Son processus psychologique et sa résilience sont crédibles.


Jameson m'aura fait rire avec son sens du théâtre, ses idées délirantes et son exceptionnel sens de la publicité. Son espoir naif et sa foi en ses projets me rappelle Walt Disney, en un sens. Quand aux autres personnages, ils habitent bien le récit et ont des personnalités variés. Maharadjah aussi a une personnalité adorable, qui s'exprime bien à travers ses sons et ses réactions.


Le tout est assez fluide et agréable à lire, dans un style élégant, coloré et addictif. C'est avant-tout un récit d'aventure, ponctué de drames assez émotifs et aussi de polar, avec cette enquête parallèle sur le gang de la Fraternité de Leith, composé de voleurs d'enfants et vendeurs de drogues.


J'ai trouvé ce roman aussi touchant que trépidant, dans une Angleterre victorienne marqué par la presse sensationnaliste, la disparité de classes sociales et la traite des animaux.
Une histoire sur l'espoir, l'amitié et la collaboration.


Pour les profs: comporte certaines scènes de violence comme des sévices , des bagarres et de la cruauté animale. Je réfèrerais donc ce livre aux lecteurs de plus de 11 ans. C'est cependant un bon récit pour aborder les orphelins exploités et la cruauté animalière auprès des jeunes.

Shaynning

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