Précieux, figure littéraire dans ce qu’elle a de plus ridicule, obsédé par les médias mais en même temps pamphlétaire incroyable maîtrisant la formule et la critique, styliste accompli, Jean-Edern Hallier est un peu tout cela à la fois. Une sorte de fulgurance dans une époque molle, un bijou gâché par des éclats parfois grossiers et une obsession de la popularité.


Dans son pamphlet L’Honneur perdu de François Mitterrand, l’ouvrage le plus connu et le plus difficile à publier du fait de menaces de la part de l’entourage de l’ancien président, Hallier démonte boulon par boulon la statue de tonton. Les révélations n’en sont pas toujours mais l’exercice est incroyablement fluide et accompagné d’un style qui respire le panache. Une lecture plus que conseillée en ces temps de réhabilitation bonhomme de l’homme au chapeau. L’extrait suivant relate le caractère versatile de Mitterrand, sorte d’homme ectoplasme capable de se nicher ici ou là selon l’orientation du vent. Un stratège politique donc, et non un homme fait de convictions.


« Mitterrand se fie au goût du jour comme au vent la girouette. Surtout quand il ahane pour le rattraper. Il est en effet des hommes qui marquent leur temps par la fidélité à eux-mêmes. Il en est d’autres que le temps marque au point que, incapables d’y laisser leurs propres empreintes, ils s’évertuent à en prendre les couleurs successives. Mettez Mitterrand sur du tissu rose, il deviendra rose. Sur du blanc, il blanchira ! A Lourdes, on n’en finit pas de célébrer le dernier miracle. Quand il rencontra le chef de l’Eglise universelle, s’il parut si pâle, Tonton bénisseur, prenant son onction pour les saintes huiles, c’est que la peau de son visage se changea instantanément en bout de tissu de la blanche robe papale. Fourrez-le dans le parti socialiste, il arborera le vaste chapeau de Blum. Mettez-le dans un pré, il jouera au pâtre gidien dans les Landes. Sortez-le avec Noah en pleine crise économique, il s’exclamera : « Moi aussi, j’ai un bon revers. » Allez l’exhiber parmi les Noirs du Cameroun, nul doute qu’en leur compagnie il s’écriera : « L’avenir est aux Nègres. ». »

Al_Foux
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le 5 janv. 2016

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