Christophe Donner est un auteur que j’aime beaucoup. J’avais notamment adoré ses romans Un roi sans lendemain, Ainsi va le jeune loup au sang, et L’empire de la morale. C’est donc assez naturellement que je me suis penché sur son roman L’innocent que j’avais raté à sa sortie et dont j’ai découvert tout récemment le résumé :
« Je suis sorti de la maison au petit matin, j’ai marché à grands pas
sous les platanes du cours Mirabeau, sans pouvoir m’empêcher de
sourire. Une chose m’apparaissait sûre et certaine : je n’étais plus
le même. Je venais de passer la nuit dans le lit d’une femme, à
l’embrasser, la serrer, la baiser, car si cette nuit n’avait pas été
celle de l’accomplissement de l’acte sexuel, elle n’en avait pas moins
été une nuit d’amour, entière, complète, jusqu’au petit matin
frisquet, le reste n’était qu’une question de vocabulaire : est-ce que
nous avions fait l’amour ? C’est ce qu’il me semblait puisque j’étais
amoureux. »
Christophe entre dans les années soixante-dix et dans l’adolescence
bercé par les idées révolutionnaires de ses parents divorcés, entre
qui il va et vient, et la découverte angoissante d’une sexualité
dévorante, obsessionnelle. De Paris à Saint-Tropez en passant par la
Tunisie, l’adulte qu’il est devenu égraine les souvenirs d’une
jeunesse douce-amère à travers le prisme de ses aventures sexuelles.
De brefs chapitres qui sont autant de souvenirs, paysages, odeurs,
mêlent la voix de l’enfant précoce et de l’auteur qui, quarante ans
plus tard, observe avec tendresse et cruauté ce Christophe d’une autre
époque. L’école, la famille, la révolution, les vacances, la mer.
Autant d’éléments de décor aux scènes que se remémore Donner avec ce
court récit, très intime, qui montre le film irréalisable de sa vie,
entre 13 et 15 ans, quand l’amour s’apprenait dans les tourments du
sexe. Un récit effronté, émouvant, drôle, cinématographique : Visconti
croisant Pialat.
L’innocent est un court roman qui nous raconte l’adolescence d’un garçon dans les années soixante-dix, entre mésaventures familiales et découverte de la sexualité. Comme souvent avec Christophe Donner, la fiction frôle l’autobiographie, jusqu’au style lui-même, avec un récit où alternent des paragraphes à la première personne (« je … ») et à la troisième personne (« Christophe … »).
On ne m’avait encore jamais écrit de lettre d’amour, fallait-il que la
première fût une lettre de rupture ?
Le livre est court, moins de 140 pages, et décomposé en chapitres eux aussi très courts. Le rythme est rapide, on ne s’attarde pas sur les événements. C’est haletant, parfois frustrant quand on voudrait en apprendre plus sur certains personnages. D’autres fois c’est salvateur, quand le récit nous présente des situations gênantes que l’on aurait peut-être préféré ne pas connaître.
— Ce n’est pas toi, le problème. C’est elle… tu es beaucoup plus en
avance qu’elle sur plein de trucs.
— Donc c’est bien moi le problème. J’ai jamais l’âge qu’il faut avec
personne.
— Tu ne seras pas toujours le plus jeune, t’en fais pas. Et pas
toujours le plus doué non plus …
Dans l’ensemble, c’est un joli roman sur l’adolescence, sur la découverte de l’amour et de la sexualité, et plus généralement sur les relations familiales et amicales. Ce n’est pas mon roman préféré de Christophe Donner, ce n’est pas son plus riche ni son plus profond, mais c’est un récit léger et intéressant. Il y quelques passages plus forts que d’autres, et suffisamment pour en faire une lecture plaisante.