J'aurais voulu parler des autres...

J'ai dit dans ma présentation de ce livre ce que j'en pensais. J'aurais voulu parler des deux autres, "Désordres" et "Trajectoires terminales". Je suis étonnée de ne pas les trouver ici et je ne sais pas si on peut ajouter quelque chose qui n'est pas dans les options proposées.
Aussi, quelques mots sur cet auteur, qui m'a infiniment touchée.
J'ai dit sur "L'ombre du chat", ce que j'en pensais. Sur "Désordres" :

Toujours aussi impressionnant, l'auteur nous décrit un univers à la Blade Runner, situé dans le triangle Marseille / Aix / Toulon, les trois villes ayant fini par former une gigantesque conurbation, développée sur plusieurs niveaux souterrains. L'homme s'est enterré, suite à un conflit majeur dont on ne saura rien, il vit maintenant dans une abominable promiscuité, alors que les pluies acides dissolvent peu à peu le béton des villes et que la plupart des espèces animales ont disparu. Serge Lançon, personnage très ambigu, doit aider la Police sur des affaires de tueurs en série. Il possède un talent particulier, celui de faire des rêves qui l'aident à trouver la vérité, bien qu'ils soient parfois assez difficiles à interpréter... Il a en face de lui l'inspecteur Canavese, macho, buté, travailleur acharné, et qui le déteste...
Le style est ébouriffant, concentré, tendu à l'extrême, les descriptions sont hallucinées, les situations dignes d'un rêve éveillé, et pourtant, dans cette liberté d'invention qui le caractérise, Borrelli reste très fidèle aux procédures d'investigation criminelles. Avec ce second opus, l'auteur nous évoque, une fois de plus, les romans de James Ellroy, qui ont probablement influencé son inspiration de départ... Résultat inclassable et inimitable !

Enfin, petit bijou, "Trajectoires terminales", encore plus profond, torturé et poignant, nous plonge à nouveau dans cet univers. Là, quelqu'un s'amuse à bombarder les véhicules sur l'autoroute de surface, à partir des réseaux de tourelles et passerelles, quelque part là-haut. Cet individu ne jette pas des pierres, ce serait trop simple. Il lance des fragments de statues en bronze !
L'enquête, menée par Canavese avec ses procédures d'investigation criminelle et sa rage de trouver, est doublée des... méthodes ? de Serge Lançon, marginal que la Police utilise pour ses talents divinatoires.
Prétexte à un portrait au vitriol des milieux de l'art, le récit s'échappe vite sur l'Autoroute, qui est un personnage à part entière. Déphasage sensoriel et topologique, le tissu de l'autoroute, toujours identique où qu'on se trouve, sert de décor obsessionnel à la quête de Lançon, accompagné d'une têt d'androïde parfois plus humaine que lui... Lançon qui va rencontrer une autre rebelle, Nadia, dont il tombera amoureux, et qui causera sa perte, d'une certaine façon.
J'ai été bouleversée par ce troisième roman, brûlant, incandescent, d'autant plus qu'il se passe pendant un été caniculaire, sur fond de la musique de Magma, que l'auteur semble apprécier fortement.
Il semble que cet auteur ait la capacité de capturer la vie et la restituer, comme un souffle magique.

Je regrette vivement qu'on n'ait plus entendu parler de lui depuis ce troisième volet, en 1999. J'espère qu'il prépare autre chose, qu'il n'a pas quitté le domaine de l'écriture.

En conclusion : pour moi, un auteur majeur de ce siècle, malgré le peu de romans à se mettre sous la dent.