Certainement pas un chef-d’œuvre, non. La Bibliothèque impossible ne regorge pas non plus d’informations inédites et de première main. Ordinairement, je me méfie même plutôt de ce genre de livres, qui pullulent dans les librairies à l’approche des fêtes. Mais en l’occurrence, cette « anthologie des livres, bizarres, interdits ou imaginaires » (c’est le sous-titre) se place quelques crans au-dessus de l’ordinaire.
Évidemment, certains chapitres présentent un intérêt limité en tant que tels. « Les livres les plus chers », est-ce vraiment notable ? La plupart d’entre eux, manuscrits médiévaux ou livres anciens, sont surtout remarquablement beaux – il suffit d’aller voir sur internet pour s’en rendre compte. « Les livres à bourdes », ça ne sentirait pas un peu le remplissage ? Elles ont fait le tour d’internet, ces (prétendues) perles d’écrivains – le « “Ah ! Ah !” dit don Manoel en portugais de Dumas, la « tête phrénologique, toute marquetée de chiffres jusqu’au thorax » de Flaubert…
Ce chapitre-là, comme quelques autres chapitres ou sous-chapitres (« Les livres cadeaux », « Léon Zitrone »…) consiste principalement en une liste, alors que ce sont souvent les commentaires du compilateur, même succincts, qui font une partie de l’intérêt du livre. À ce titre, ceux consacrés aux « Livres imaginaires » (c’est-à-dire écrits ou lus dans des fictions littéraires, à la façon du Necronomicon) ou aux « livres celluloïd » (c’est-à-dire aux livres imaginaires de cinéma) valent le coup d’œil.


D’autres chapitres, quoique sans commentaires, impliquent plus de richesse qu’ils en ont l’air. Il y a de quoi se moquer d’une certaine politique éditoriale (française ?) quand on voit la douzaine de couvertures de livres intitulés « x : une passion française », ou x est respectivement « l’égalité », « Coca-Cola », « Le Débat fiscal », « Le Communisme », « Israël Palestine » (sic !), « L’Immobilier », « Johnny », « Racine », « Marx », « L’Orthographe » et « La Recherche médicale ». J’ai laissé de côté 50 ans d’une passion française : De Gaulle et les communistes et Une passion française tout court…
Il y aurait de quoi écrire des centaines de pages sur la quinzaine de traductions d’un roman d’Emily Brontë : le Domaine des tempêtes, les Hauteurs battues des vents, Haute plainte, le Château des tempêtes, Un amant, les Hauteurs tourmentées, les Hauts des Quatre-Vents, Heurtebise, Les Hauts de Hurlevent, les Hauts des tempêtes, la Maison maudite, Hurlemont, Hurlevent, Hurlevent des monts et la Maison des vents maudits… (Les titres sont différents. Il n’est pas impossible que certaines traductions du texte soient les mêmes.)
Comme la Bibliothèque impossible est aussi un livre d’images, on saluera 1° le graphiste à l’origine de ces couvertures de « Livres inventés » aussi crédibles que celles des vraies ; 2°, dans un autre registre, le concepteur anonyme des couvertures de la très réelle « Collection Premier Cycle » des PUF, qui auraient de quoi rendre sceptique le plus sûr de lui des communicants, et qui figure évidemment dans cette anthologie.

Alcofribas
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le 16 janv. 2021

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