Tromperie sur la marchandise

Très peu adepte de politologie, ce livre m'a interpellé par son titre assez ambitieux, qui annonce la chute d'un homme pourtant très présent dans le paysage politique français.

Quoiqu'il s'en défende, ce livre de Guénolé est davantage une oeuvre de rédemption personnelle (face aux accusations de harcèlement sexuel) qu'un véritable propos politologique.

Au début, la lecture est agréable parce que l'intrigue judiciaire parvient à nous divertir, mais on se rend très vite compte que le fond du discours est très pauvre.

On s'aperçoit que la France insoumise fonctionne comme tous les partis politiques, avec la même opacité nécessaire dans le système actuel. Guénolé nous explique que ce fait devrait nous surprendre, puisque l'idéal démocratique est brandie par Mélenchon comme l'objet de son combat politique. A mon sens, on aurait raison de trouver ce raisonnement ringard, tant on sait bien que les idéaux politiques posés dans les discours sont en tension permanente avec la pragmatique du pouvoir tel qu'il s'exerce. Le mélenchonisme ne déroge pas à la règle, mais quoi d'étonnant ? La politologie de ce livre est non seulement pauvre, mais aussi finalement assez déconnectée de l'histoire politique.

Concernant le véritable enjeu de ce livre pour Guénolé (à savoir : laver son honneur), l'analyse n'est même pas bonne. Il préfère écrire des tartines sur le caractère "stalinien" de la FI, mais refuse de décortiquer la manœuvre finalement très électoraliste dont il a fait les frais. L'analyse qu'il aurait dû faire, en bon politologue, est la suivante : la France Insoumise, terrorisée par le pouvoir des lobbies féministes dans le débat politique et en particulier auprès de leur propre électorat, ne voulait pas prendre le risque de laisser fuiter une plainte pour harcèlement sexuel dont ils auraient eu connaissance. En effet, la plainte déposée contre lui en interne avait de très fortes chances d’atterrir dans les médias d'un moment à l'autre. Si Médiapart avait publié "Thomas Guénolé de la France Insoumise est accusé de harcèlement sexuel par une de ses anciennes étudiantes ; la France Insoumise est au courant depuis des mois, et personne ne dit rien"... non seulement le crédit féministe de la France Insoumise aurait été sapé, mais le mouvement aurait été dans l'incapacité de remettre en question le bien fondé de la plainte... parce qu'on ne remet pas en cause la parole des femmes victimes. Dans une problématique électoraliste, la FI était donc obligée de régler le problème en interne, pour continuer de se positionner de manière crédible comme la voix politique des féministes, et comme un organisme actif dans la lutte et la répression des violences faites aux femmes.

Si ce bouquin a permis à Guénolé de s'en sortir, tant mieux pour lui.