Roman d'apprentissage classique et célébrissime.
Le roman commence sur la geste anti-épique du jeune Fabrice complètement naïf, un peu trop même : ce passage ressemble à une mauvaise réécriture de Don Quichotte, si l'on excepte le propos satirique plus général sur la débâcle napoléonienne, qui serait intéressant s'il y avait un peu plus de prise dans le roman pour le rendre probant.
C'est la suite qui intéresse davantage, où Stendhal s'attarde sur l'amour qui circule, qui naît, qui s'éteint, qui revient... La longueur du roman est au service de cette investigation littéraire qui ne prend pas place par hasard dans un milieu courtisan italien. Bien sûr, il y a la distinction entre "esprit italien" et "esprit français" un peu ringardisée aujourd'hui, mais qui permet à l'auteur de bien dire à quel point le cadre détermine la forme que prend le rapport amoureux. Et puis il y a l'âge, la beauté, les intrigues, la parole donnée, la parole reprise, la superstition, la rivalité, la jalousie, la vengeance, le vieillissement, la corruption, la mort...
Bref, un roman d'apprentissage qu'on a mieux fait de lire à la lumière de ses premières expériences - et premiers déboires - amoureux qu'au lycée à 16 ans. Est-il souhaitable d'encourager un adolescent à apprivoiser le regard sagace qu'exerce Stendhal sur une jeunesse plus âgée que lui ? Pas sûr.
Le ton du texte, très déterminé par la présence bienveillante de l'auteur qui se tourne en permanence vers nous pour nous faire rire ou nous faire comprendre ce qu'on a presque compris, est aussi difficile à saisir pour un très jeune lecteur, il me semble, qui ne pourra pas profiter pleinement de cette complicité.
La Chartreuse de Parme n'en reste pas moins un texte patrimonial important, à la postérité nombreuse, et qui pose des choses assez définitives sur l'analyse des sentiments (aussi bien sur le plan psychologique que littéraire).
Et je ne vais pas parler des qualités proprement littéraires de Stendhal sur le plan de la composition du roman et des chapitres, ce serait malvenu.